La Religieuse
France, 2012
De Guillaume Nicloux
Scénario : Jérôme Beaujour, Guillaume Nicloux
Avec : Louise Bourgoin, Isabelle Huppert
Sortie : 20/03/2013
XVIIIe siècle. Suzanne, 16 ans, est contrainte par sa famille à rentrer dans les ordres, alors qu’elle aspire à vivre dans « le monde ». Au couvent, elle est confrontée à l’arbitraire de la hiérarchie ecclésiastique : mères supérieures tour à tour bienveillantes, cruelles ou un peu trop aimantes… La passion et la force qui l’animent lui permettent de résister à la barbarie du couvent, poursuivant son unique but : lutter par tous les moyens pour retrouver sa liberté.
SÉVICES POUR LA NOVICE
Nouvelle adaptation de l'œuvre de Diderot, La Religieuse de Guillaume Nicloux semble prêt à être sacrifié sur un double autel : celui de passer après une première adaptation devenue un classique (celle de Rivette) et celui de la fidélité à l’œuvre originale. Sur ce dernier point, on peut se rassurer, cette nouvelle version est une retranscription fidèle du roman. Un peu trop même. Si la trame du récit et les événements marquants sont tous là, on peine un peu plus à y retrouver ce qui en faisait le nerf ; son urgence. Le roman de Diderot racontait une descente aux enfers, brûlante dès les premières pages. Or, si Nicloux semblait être un réalisateur adéquat pour transposer la noirceur du récit, son adaptation souffre d’un défaut qui ne pardonne pas : une lenteur et un manque de rythme flagrants. A trop vouloir coller au texte, jusqu’à respecter les dialogues à la lettre, il oublie sa fièvre. Sa mise en scène est fonctionnelle et conventionnelle, son récit alourdi par une voix off qui explique au lieu de montrer. Au niveau de la tension, La Religieuse est un peu l’anti Au-delà des collines, mais en toute honnêteté, il est aussi plus facile d’accès que le film de Mungiu. La propreté de cette nouvelle version est à la fois une qualité et une limite. Propre, le roman de Diderot ne l’était pas et ne cherchait pas à l’être. Et puis qui a vraiment envie de voir un film de bonnes sœurs saphiques qui soit « propre » ?
Ce qui amène à une autre dimension du roman absente du film : son humour. Isabelle Huppert déclarait avoir ri en découvrant récemment l’œuvre de Diderot, et elle a bien raison. Il ne faut pas oublier que le roman fut d’abord conçu comme une farce de Diderot à un ami, censé croire à la véracité du témoignage et de l’existence de Suzanne Simonin. Diderot s’est finalement prix au jeu, lui-même convaincu par le sérieux de son entreprise, mais certains passages restent empreints d’un humour assumé qui n’a rien perdu de sa vitalité aujourd’hui. On l’a déjà dit lors de cette Berlinale à propos de Paradis Espoir : l’humour n’est pas un gros mot, et rire de sujets graves ne veut pas dire qu’on ne les prend pas au sérieux. Huppert semble d’ailleurs la seule à en avoir pris conscience et à en jouer. Elle est certes la seule à avoir des scènes potentiellement comiques, mais là où le reste du casting joue son rôle de manière efficace mais presque mono-expressive (la douleur contrite pour Pauline Etienne, le dédain mystérieux pour Louise Bourgoin…), elle apporte une nuance rafraichissante à son personnages (pourtant déjà un peu lissé par rapport au roman). Mais assez de reproches. La grande qualité de La Religieuse c’est en effet son casting. Caster la Huppert en reine mère zinzin face à toutes ces jeunes actrices est à la fois une évidence et un plaisir. L’entendre houspiller sans vergogne avec le mépris le plus flagrant certaines partenaires de jeu pas forcément à sa hauteur, c’est carrément du pain béni ! On le concède, c’est une qualité un peu extra-filmique...
L'Oursomètre: A notre humble avis, tout serait possible, rien ne serait vraiment mérité.