Realive
Espagne, 2016
De Mateo Gil
Scénario : Mateo Gil
Durée : 1h52
Sortie : 06/06/2018
Marc Jarvis subit un choc brutal lorsqu’il apprend, à l’âge de 32 ans, qu’il est atteint d’un mal incurable et qu’il ne lui reste qu’un an à vivre, au mieux. Ne pouvant accepter sa mort prochaine, il décide de se faire cryogéniser. Même si elle désapprouve la décision de Marc, Naomi, le grand amour de sa vie, l’accompagne dans sa démarche. Soixante ans plus tard, la société Prodigy Health Corporation réussit à le réanimer. Malgré les complications médicales qui suivent son retour à la vie, le corps de Marc a une furieuse envie de vivre quand son âme a du mal, elle, à retrouver la simple envie de guérir.
PLUS DIGNE LA VIE
Realive est la nouvelle réalisation de Mateo Gil, coscénariste d'Alejandro Amenabar, et il est facile d'y retrouver comme un écho des jeux de miroirs malins d'Ouvre les yeux ou Vanilla Sky. Pourtant, quitte à chercher une autre filiation dans le cinéma espagnol, c'est parfois moins au réalisateur de Tesis qu'à certains films de Julio Medem que l'on pense ici. Il y a en effet une manière bien particulière de donner à cette histoire d'amour contrariée une dimension épique, presque fantastique, en passant par un découpage narratif dynamique, de faire naître l'émotion par des moyens presque paradoxaux (montage par moments ultra rapide, flashbacks en cascade...). Il y a quelque chose de séduisant dans cette ampleur narrative qui n'empêche pourtant jamais le film d'être fluide, simple à suivre. Ce n'était pas une mince affaire.
Mais il y a également quelque chose de frustrant, dans ce film de science-fiction qui fait preuve de finalement peu d'imagination. Visuellement, Realive n'invente rien, et semble faire partie de ces nombreux films restés coincés sur un héritage paresseux de Minority Report où le futur se résume à des parois transparentes à gogo. Il y a quelque chose de fatigant dans cette énième utilisation d'une esthétique publicitaire stérile. Les scènes de réminiscences de l'enfance du protagoniste, sortes de flashs d'images éparses peut-être censés évoquer Terrence Malick, ont l'air tout droit sortie d'une pub pour Photobox ou Club Marmara. Realive est certes confortable, mais cela tourne rapidement en sa défaveur. Le casting particulièrement fade en rajoute une couche. Dans le rôle principal, Tom Hughes fait preuve d'une absence de charisme fatale qui plombe l'ensemble des scènes où il apparaît.
Pire, il y a surtout quelque chose d'insultant dans ce portrait d'un jeune homme incroyablement gâté par la vie et dont on devrait compatir aux jérémiades incessantes (le film n'est avare ni de dialogues, ni de voix off). Vu sous un certain angle, Realive c'est l'histoire d'un mec sans personnalité (on peut toujours s'amuser à essayer de décrire le protagonistes en trois adjectifs, allez-y), qui parvient quand même à rendre les filles qu'il côtoie tellement attachées qu'elles finissent par en pleurer, et ce alors même que lui n'exprime visiblement aucune émotion. C'est l'histoire d'un mec vide, dont la vie ressemble à un paradis dénué du moindre problème sérieux, et dont on devrait entendre sans sourciller les considérations philosophiques sur la vie.
Realive semble cousu de fantasmes adolescents et/ou masculins: le fantasme d'être un homme intelligent capable d'expliquer la moindre émotion, d'être un homme qu'on devine sensible bien qu'il n'ait besoin de rien exprimer, le fantasme de rendre les filles amoureuses sans avoir besoin de se compromettre affectivement, bref être ce qui n'est qu'un fantasme d'homme digne. A cela s'ajoute surtout le fantasme d'avoir une mort qui soit elle aussi impossiblement digne, dépourvue de douleur (sauf pour les autres, qui pleurent dignement bien sûr), de remords ou de dégradation physique. C'est là qu'il manque sans doute la touche Amenabar, il n'y a pas assez de distance ironique face à ces rêves trop lisses pour qu'ils nous fassent rêver où nous émeuvent.