Rain

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Rain
Rain
Nouvelle-Zélande, 2001
De Christine Jeffs
Scénario : Christine Jeffs
Avec : Alistair Browning, Marton Csokas, Alicia Fulford-Wierzbicki, Aaron Murphy, Sarah Peirse
Durée : 1h32
Sortie : 21/07/2004
Note FilmDeCulte : *****-

Eté 72 en Nouvelle-Zélande. La famille Phelon s’installe dans sa maison de vacances au bord de l’eau. Lorsque Janey, 13 ans, découvre que sa mère flirte avec un voisin, c’est sa propre sexualité que la jeune fille découvre et explore.

LULLABY FOR A LIQUID PIG

Ramené par la mer après avoir couru les festivals (de Cannes à Sundance), Rain se disperse discrètement dans l’anonymat des plages suffocantes d’été. Une discrétion qui habille bien les contours ambigus de cette coming of age story à l’ombre des citronniers, au rythme indolent dispensé par l’image récurrente d’une tondeuse devenue muette, frôlant à peine l’herbe verte du jardin familial. Christine Jeffs, dont c’est le premier long-métrage, ne se complait pas pour autant dans la pose décorative mais se laisse submerger par les liquides de sa pellicule virginale, film d’eau et d’alcools, de désirs sur le bout de la langue et de crève-cœur acérés. Les sucreries acides de l’adolescence prennent place dans le décor contradictoire du paradis perdu: une mer bienveillante qui lèche les fondations de la maison (à moins qu’elle ne les grignote), un soleil d’éden posé sur l’horizon (à moins qu’il n’embrase le ciel paisible), et les bras tombants et endormis des arbres qui caressent l’air ou bien tentent de l’attraper pour l’emprisonner. Janey est spectatrice d’un firmament ivre où les parties se succèdent, où l’on flirte au fond de la maison, où les corps nus embrassent la mer lorsque la nuit est tombée. Spectatrice aussi d’un réveil amoureux, celui de sa mère, pour un photographe séduisant qui a su capturer plus qu’une image figée de chef de famille. Spectatrice enfin de son reflet, son double énamouré, à peine éveillé mais qui palpite déjà de toutes ses forces.

LE POIDS DE L’EAU

Maquillage étalé maladroitement sur le visage et paire de seins de papier, Janey arbore comme des médailles de combat ses attributs de Lolita dans le ruisseau de l’entre-deux, gamine aux jeux de plage et jeune femme goûtant à tous les spiritueux. Jeffs orchestre les sentiments enivrés comme des corps flottants sur l’eau, s’enfonçant parfois dans l’onde tourmentée comme un peu d’alcool qui se mêle au sel de la mer. Et en invitant la musique de Lisa Germano sur sa plage néo-zélandaise, la réalisatrice trouve une sœur musicale, voisine de triste lévitation et issue d’un même immense flot de lucioles. Les comptines pour cochon liquide et les chansons de coquillages perdus au fond de l’océan se marient pleinement au vague à l’âme ambiant, éclairé d’une grâce tranquille en apparence, aux angoisses qui remontent parfois à la surface avec les dernières marées. Loin de la mer et de ses soupçons, le climax émotionnel de ce conte d’eau se niche au cœur de la forêt, dans un décor de bois et d’écorces dénudées. Au creux de la parenthèse suspendue, le regard de la jeune spectatrice étend désormais ses mains sur l’apparition flottante et indécise, projette un corps de femme sur le lit de la forêt, et abandonne les dépouilles enfantines sur la plage désolée. D’un crescendo jusqu’aux pleurs de la jeune louve, Rain répand sa petite pluie passionnée, dans un film où pourtant il ne pleuvra jamais une goutte.

par Nicolas Bardot

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