Question humaine (La)
France, 2006
Avec : Mathieu Amalric, Lou Castel, Michael Lonsdale, Édith Scob
Durée : 2h21
Sortie : 12/09/2007
Paris, de nos jours : Simon, 40 ans, travaille comme psychologue au département des ressources humaines de la SC Farb, complexe pétrochimique, filiale d'une multinationale allemande, où il est plus particulièrement chargé de la sélection du personnel. Un jour Karl Rose, le co-directeur de la SC Farb demande à Simon de faire une enquête confidentielle sur le directeur général Mathias Jüst, de dresser un rapport sur son état mental. Ne pouvant pas se soustraire à la requête de Rose et ne voulant pas risquer de se mettre mal avec Jüst, Simon accepte du bout des lèvres, en se promettant de conduire une enquête discrète et de rendre un rapport le plus neutre possible...
ÉCHECS DU CULTURISME
Il bande les muscles, semble constamment exhiber sa carrure, afin de prouver (de se prouver?) qu'elle est suffisante pour relever le défi à la hauteur de son titre, colossal: porter à l'écran le récit bref, sec et implacable de François Emmanuel. Poser La Question humaine, rien que ça. Pour y répondre, il faut de l'ampleur, de la majesté, un certain culot, aussi. Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval n'en manquent pas. À la mise en scène de l'un, curieusement renouvelée d'influences nordiques, dominantes marron et bleues, cadres biseautés, textures et surfaces comme autant de remparts à l'humanité, précision maniaque du montage et du moindre mouvement d'appareil, direction d'acteurs magistrale (il faut dire que le casting, masculin notamment, s'y prête à merveille: Lonsdale, Amalric, comme toujours impériaux, Nicolas Maury génial, confirmant ce qu'on pressentait déjà dans Les Amants réguliers) ; répond l'ambition et l'intelligence de la plume de l'autre, jonglant avec la nitroglycérine de son sujet avec une conviction et une audace rares.
Ce qui cloche est au revers de cette médaille. À tant s'échiner à affirmer virtuosité et solennité, La Question humaine se contraint régulièrement dans une froideur et une rigidité étouffantes. En rupture notable avec le réalisme sans fard de Paria et de La Blessure, le troisième long de Nicolas Klotz se situe davantage du côté de l'allégorie et du discours, que de celui de l'émotion. Malgré le malaise généré, malgré la violence sourde, l'extrême verrouillage esthétique se fait régulièrement trop théorique et occasionne certaines lourdeurs. Échec paradoxal: ce sont les respirations qui marquent le plus, les à-côtés, les aléas, les détails qui tombent de nulle part (le travesti dans le couloir, la toilette d'Amalric par Maury avec des lingettes, la scène de la barque...). Une séquence de rave, centrale et impressionnante, résume assez bien l'ambivalence du film: d'une maîtrise sidérante, quasi-envoûtante, elle se laisse progressivement dévorer par l'ithos de ses intentions, et, du même coup, s'annule presque... Équilibre fragile: l'intention prime, l'émotion se perd.