Queen of Earth

Queen of Earth
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Queen of Earth
États-Unis, 2015
De Alex Ross Perry
Scénario : Alex Ross Perry
Durée : 1h30
Sortie : 09/09/2015
Note FilmDeCulte : *****-
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Catherine traverse une mauvaise passe. Son amie d’enfance, Virginia, l’emmène dans la maison de campagne de ses parents, nichée au bord d’un lac. Le lieu semble idéal pour se ressourcer, mais l’état de Catherine se dégrade et ne tarde pas à prendre une tournure inquiétante...

THE WE AND THE I

Une retraite dans une cabane abandonnée, un lac perdu au milieu de la forêt, une jeune fille qui sombre dans la folie... Sommes-nous en plein film d'horreur? Non, car nous sommes chez Alex Ross Perry, nouveau venu de la dramédie indé américaine, déjà repéré avec The Color Wheel et le chouette Listen Up Philip. Et pourtant... Est-ce en déplaçant l'univers du normcore (la comédie-intello-fauchée-newyorkaise, pour résumer) hors de son cadre habituel que Perry emmène son film ailleurs ? En pleine nature, loin de toute agitation intellectuelle, Queen of Earth n’est pas le film attendu, il se transforme en curieux objet entêtant et inquiétant. Car oui, au final, Queen of Earth ressemble bien à un film d'horreur mental. Grâce aux codes du genre (le décor, mais aussi la musique minimaliste au xylophone et quelques silhouettes fantomatiques), ce récit d’une amitié qui prend fin revêt des airs de descente aux enfers psychologique. Malgré la jolie typo du titre, les jolies fleurs de la campagne et la très belle lumière, le film commence par un cauchemar et se termine par un autre.

L'amitié déçue demeure un terme trop rarement traité au cinéma. Alex Ross Perry s’y attèle avec force et subtilité. Force, car il n’a pas peur d’aller au charbon. Subtilité, car il retombe toujours ses pattes avec élégance. Il fait de son film un quasi huis-clos avec une mini poignée de personnages dont aucun n’est forcément très aimable (ce qui, sur l’échelle du cinéma américain, équivaut à un crime de lèse-majesté). L’amitié de Catherine et Virginia est particulièrement crédible dans sa complexité, à l’antithèse de ce que certains scénaristes masculins s’imaginent être « les discussions entre filles », mais elle choque aussi d’emblée par ses sous-entendus passifs-agressifs. Il y a du vécu derrière leur solidarité anxieuse. Auprès de Virginia, Catherine doit se reconstruire après une rupture amoureuse. Il est d’emblée beaucoup question de soi, d’espace vital, de la nécessité de dire « je » au lieu de « nous » (sous peine de passer pour Gollum). Mais, imperceptiblement, le film et ses héroïnes basculent.

Lors d’un plan très impressionnant de long dé-zoom puis re-zoom sur leurs visages inattentifs, l’incompréhension entre les deux amies s’impose au premier plan. Etre « la reine de la terre », est-ce vivre égoïstement dans un tour d’ivoire ? Ou bien est-ce subir la malédiction de se sentir seule au monde ? Les deux. L’incapacité progressive des deux jeunes femmes à communiquer, à s’aider, est à la fois angoissante et bouleversante. Perry jongle entre les registres avec une aisance admirable : quand Catherine dit être tellement dépressive que les os de ses joues lui font mal, faut-il rire, trembler ou pleurer ? Cette réussite est aussi celle des actrices, la flippante Katherine Waterson et la flippée Elisabeth Moss. Dans un rôle plus poignant et pathétique, cette dernière réalise des merveilles, menace parfois d’en faire trop mais se rattrape toujours aux branches. Devant ses larmes qui font rire et son rire qui fait frissonner, on se dit que la reine du monde, c’est peut-être bien elle.

par Gregory Coutaut

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