The Predator
États-Unis, 2018
De Shane Black
Scénario : Shane Black
Avec : Thomas Jane
Photo : Larry Fong
Musique : Henry Jackman
Durée : 1h47
Sortie : 17/10/2018
Les pires prédateurs de l'univers sont maintenant plus forts et plus intelligents que jamais, ils se sont génétiquement perfectionnés grâce à l'ADN d'autres espèces. Quand un jeune garçon déclenche accidentellement leur retour sur Terre, seul un équipage hétéroclite d'anciens soldats et un professeur de science contestataire peuvent empêcher l’extinction de la race humaine.
TU VEUX UN BONBON?
Cas sans précédent dans l'Histoire du cinéma, un scénariste embauché en tant qu'acteur dans un second rôle dans l'espoir, avéré vain, qu'il réécrirait le scénario, en écrit et réalise 30 ans plus tard la troisième suite (et sixième film de la franchise). Le choix de Shane Black pour ressusciter la licence Predator est d'autant plus étonnant que l'auteur s'est plutôt spécialisé dans l'écriture de polars, souvent d'action. Toutefois, ce serait oublier que son premier scénario, écrit avant L'Arme fatale mais sorti après, était le méconnu Monster Squad de Fred Dekker, qui co-signait le script de ce "Les Goonies x les monstres Universal". Pour le meilleur et pour le pire, Black retrouve Dekker à l'écriture de cette nouvelle incursion dans l'horreur et cette réunion en dit long à elle seule sur la nature du projet. En effet, alors que le cinéaste disait vouloir en faire un "événement", avec un budget similaire à celui de son propre Iron Man 3, The Predator, aussi fun soit-il, ne propose rien d'aussi intelligent que le précédent blockbuster de Black, un film à la fois estampillé de la marque de son auteur et qui peut se targuer d'être le meilleur Marvel et un des meilleurs film de super-héros. S'il lance quelques pistes intéressantes, The Predator semble se satisfaire de n'être qu'une grosse série B.
L'emploi du terme n'est aucunement péjoratif mais sert à situer les ambitions et par conséquent les limites du film. Pour les aficionados de cet humour, toute la première heure est un régal. Une fois de plus, la dérision chère à Black caractérise le film et sert le parti-pris du scénariste, visant toujours plus loin dans la désacralisation de la figure du héros, des has been de Kiss Kiss Bang Bang aux détectives ratés de The Nice Guys en passant par un super-héros handicapé par son alter ego et en proie au stress post-traumatique. Ce qui était jadis une idée novatrice (Martin Riggs veuf et suicidaire dans L'Arme fatale) est devenu un cliché à tourner en dérision (le fils que Jack Slater n'a pas réussi à sauver dans Last Action Hero) mais cette notion a continué de travailler Black (l'agent amnésique d'Au revoir à jamais) jusqu'à exploser dans The Predator qui remplace les super soldats bodybuildés du film de 1987 et la compilation des "meilleurs tueurs sur Terre" de Predators par une bande de vétérans tarés et un gamin autiste. Du pur Black qui fait ainsi une entorse aux codes du genre et s'approprie le matériau avec son humour. Le film de John McTiernan s'amusait déjà à déviriliser des parangons de machisme en les rendant totalement impuissants face à la bête et Black creuse à la fois cette idée et sa propre question sur ce qu'est un héros. De plus, le récit s'amuse à jouer un tant soit peu avec la mythologie, tantôt pour l'étendre en exploitant un détail, tantôt de façon plus iconoclaste, comme en témoigne l'excellente blague sur le nom même de la créature. Montrée clairement d'entrée, elle passe même par un laboratoire - rien de plus risqué vis-à-vis du mythe que de le foutre sous des néons cliniques et de disserter dessus - mais sans que cela n'enlève jamais rien du badass de la créature. Joyeusement sanglant, le film regorge d'ailleurs de petites idées jouissives dans les scènes où le Predator s'attaque aux humains.
Toutefois, le film abandonne toute réflexion à mi-chemin. Il décide par exemple de ne presque rien faire de ce personnage d'enfant, une donnée devenue invariable dans les scénarios de Black depuis Le Dernier samaritain, à l'exception de Kiss Kiss Bang Bang. Comme presque tous les autistes de fiction, c'est un savant qui apprend ici la langue des extra-terrestres tel un Rain Man mais alors que le rapport au langage est une thématique récurrente de l’œuvre de McTiernan, le film ne s'en sert que comme raccourci scénaristique. Apparemment, le troisième acte se déroulait initialement en plein jour et suite aux projections-test, il n'a été intégralement retourné que pour situer l'action de nuit, mais on en vient à se demander si d'autres choses n'ont pas disparu en route tant cette deuxième moitié de film ne sait plus quoi faire à part clore une intrigue relativement basique dans un climax fonctionnel. On sait d'ailleurs qu'un personnage de général interprété par Edward James Olmos a été entièrement coupé au montage et les premières séquences du film paraissent également se précipiter. Réalisant que tout le monde avait remarqué qu'il situait toujours ses films à Noël, une période d'exacerbation des émotions, positives comme négatives, et donc de réflexion selon l'auteur, Black a voulu changer et décide de situer l'action de The Predator durant Halloween. Un choix plutôt représentatif de sa démarche au final qui semble être "on va se déguiser et on va faire des farces et s'amuser" et qui a le mérite de marcher un temps au moins.