Poetry
Shi
Corée du Sud, 2010
De Lee Chang-dong
Scénario : Lee Chang-dong
Avec : Junghee Yun
Photo : Hyun Seok Kim
Durée : 2h19
Sortie : 25/08/2010
Dans une petite ville de la province du Gyeonggi traversée par le fleuve Han, Mija vit avec son petit-fils, qui est collégien. C’est une femme excentrique, pleine de curiosité, qui aime soigner son apparence, arborant des chapeaux à motifs floraux et des tenues aux couleurs vives. Le hasard l’amène à suivre des cours de poésie à la maison de la culture de son quartier et, pour la première fois dans sa vie, à écrire un poème.
UNE VIE TOUTE NEUVE
Au bord d'une rivière, des enfants jouent. Sur l'eau dérive, peu à peu, un cadavre, jusqu’à atteindre la berge et achever sa course. Le titre apparaît à l’écran : Poetry. Dès ces premiers instants, la poésie est liée au morbide, chant lugubre du tragique accompagnant cette étrange scène. Mija, 65 ans, perd ses souvenirs. Souffrant d’Alzheimer, alors que les mots se dérobent, elle cherche un autre moyen d’expression, de vivre, de dire et de voir le monde. La poésie là encore, alors qu’elle sent les années passer et se souvient du destin de poète que lui a prédit jadis une institutrice. Lee Chang-dong filme son réveil comme un combat, sa quête artistique comme une lutte existentielle. On savait, depuis le sublime Oasis et le puissant Secret Sunshine, que le réalisateur coréen était un des maîtres actuels du mélodrame, dont les paris dramatiques sont aussi démesurés que brillamment relevés. Poetry ne joue pas l’encore. S’inscrit dans une autre tonalité. Le cinéma coréen nous avait offert en début d'année un autre portrait matriarcal avec l’extraordinaire Mother de Bong Joon-ho. Noir et vénéneux. Poetry ressemble à son envers, pourtant ces deux grands films sont unis par une même complexité.
Où trouver la poésie dans l’existence, où trouver le salut quand la grâce comme l’inspiration semblent inatteignables ? Dans son précédent film, Lee Chang-dong suivait le chemin de croix d’une mère, cherchant un rayonnement intérieur dans une vie scarifiée par la tragédie. Le quotidien de Mija semble partagé entre l’horreur (son petit fils mêlé au viol d’une lycéenne suicidée) et le trivial (les élèves du cours de poésie et leurs médiocres essais), le scabreux (l’argent à récolter pour la mère de la victime) et l’inéluctable (on lui annonce qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer). Et le chemin vers la poésie est jalonné de faux-semblants, elle qui s’extasie devant un bouquet de camélias qui ne sont que des fleurs en plastique. Lee Chang-dong suit le parcours de foi d’une femme en quête de lumière, route jonchée d’abricots tombés de l’arbre, d'embuches en désillusion, et cette pulsion de vie qui prend le dessus. Subtil, parfois amer mais pourtant lumineux, Poetry est évidemment portée par son actrice, fantastique Yun Junghee. Et s'achève en lévitation, durant une ultime demi heure qui constitue parmi ce qu’on a vu de plus beau au cinéma cette année.
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Poetry a obtenu le prix du scénario au Festival de Cannes 2010.