Play
Entre 2006 et 2008, en plein centre de la ville de Göteborg en Suède, un groupe de garçons noirs âgés de douze à quatorze ans racketta d’autres enfants à plus de soixante-dix reprises. Par le biais d'un savant jeu de rôle qui reposait sur l’usage d’une rhétorique de gang, les voleurs avaient mis au point une stratégie élaborée, connue sous le nom de « coup du petit frère ». Ils n’eurent à utiliser ni violence physique ni menaces explicites...
JEU D'ENFANT
Un simple jeu. La retenue du titre est aussi celle du dispositif mis en place par le Suédois Ruben Östlund dans Play: une succession de plan séquences et une caméra toujours à distance, dès ce premier plan dans un centre commercial, ironique vitrine mercantile de cette histoire de racket. Mais Play va évidemment plus loin qu'une simple histoire de vol de téléphones portables. Repéré il y a 3 ans à Un Certain Regard avec De ofrivilliga, Östlund y traitait, avec un concept formel voisin, la notion de groupe, sa dynamique, son influence sur l’individu. Play explore les mêmes thèmes mais débarbouille cette fois le récit de l'ironie, de l'humour, même noir, qui s'invitait parfois dans ce cadre inébranlable, faussement neutre. La terreur qui s'empare de quelques gamins pèse alors comme une boule de bowling dans le ventre.
Il en résulte un film d'une violence inouïe alors même que celle-ci est souvent absente de l'écran. Play, par son regard qui ne baisse pas, par le temps qui s'étire, essore ses situations sans tomber dans le piège de la théorie. Le film, au contraire, est bouillant, frémit, comme lors de cette scène hallucinante d'agression dans un tramway, caméra immobile, et dont l'axe est finalement modifié par le mouvement des wagons, élargissant le champs devenu irrespirable. Jusqu'au bout, Play ne fournit pas de clef facile, véritable clou dans la chaussure lorsqu'il traite de l'humiliation, de l'intégration. Et le film de questionner son propre dispositif: sa caméra surveillance, apparemment implacable, paraît au final comme désarmée.