Pirates des Caraïbes, le secret du coffre maudit
Pirates of the Caribbean 2 : Dead Man's Chest
États-Unis, 2006
De Gore Verbinski
Scénario : Ted Elliott, Terry Rossio
Avec : Orlando Bloom, Johnny Depp, Keira Knightley, Bill Nighy, Jonathan Pryce, Stellan Skarsgärd
Durée : 2h30
Sortie : 02/08/2006
Le mariage de Will et Elizabeth est interrompu pour le tout puissant Lord Cutler, qui leur confie la mission de voler un objet au capitaine Jack Sparrow, tandis que ce dernier doit se sortir des griffes de la malédiction de Davy Jones.
UN COEUR CARAIBE GROS COMME ÇA
Pour le lever de rideau de la suite de Pirates de caraïbes, l’image a de quoi intriguer: Elizabeth Swann en robe de mariée, à genou, sous une pluie torrentielle, des soldats britanniques en arme et au garde à vous. Le ton est défini peu à peu: l’univers tenu pour acquis à la fin de La Malédiction du Black Pearl se délite en grande pompe. Les pirates deviennent des reliquats du passé, une espèce en voie d’extinction dans un monde qui recèle de moins en moins de mystère et devient organisé, classifié, objet de marchandise pour les magouilleurs de tout poil. Jack Sparrow, le boucanier déglingué, tout colifichets dehors, est lui-même menacé d’être englouti par les marées du temps à moins de se convertir, de changer de religion, de virer de bord en somme. Les personnages, plus lisses, de Will et Elizabeth n’auront quant à eux de cesse de voguer d’île en île pour sauver leur trouble ami. Sans oublier une distribution enrichie de nouveaux rôles, tel cet espèce d’Empereur des West Indies, machiavélique, vénal et inquiétant, dont l’heure viendra certainement pour le dernier volet de la trilogie. Tout cela transformant le film d’aventures fantastiques de pirates en quasi-film choral, jonglant entre les nombreux personnages, chacun ayant ses propres motivations.
LE SECRET DE DAVY CHOU
On ne sait trop à qui attribuer l’étonnante réussite du second volet des Pirates, qui s’avère être peu ou prou le véritable Empire contre-attaque de la franchise. Outre un ton légèrement plus sombre, surtout au début, le film bénéficie d’un script autrement mieux ficelé - c'était là la faiblesse principale du premier épisode - dans lequel les personnages désormais familiers, qui ne sont pas sans rappeler le trio de l’ancienne trilogie Star Wars, évoluent, parfaitement rodés. Loin d’être un "Sparrow show" exclusif et toujours réjouissant, chacun a le droit à ses scènes, permettant de faire vivre les personnages, dont les interactions s’enchevêtrent enfin avec naturel. A cela s’ajoutent les étonnantes capacités de Gore Verbinski, qui parvient à se départir de son statut de faiseur pour devenir le maître d’œuvre d’une entreprise sur-inventive où chaque seconde de pellicule est l’occasion de montrer son talent dans les situations les plus folles. Ici, on voit un Johnny Depp aux prises avec des cannibales, fuyant tel un personnage de dessin animé, toujours attaché à son bambou de torture. Là, on assiste à un combat sur une roue à aube détachée pendant que trois autres personnages doivent trouver un moyen de se battre contre des marins mutants avec seulement deux sabres.
ROW, ROW, ROW YOUR BOAT
Seulement à trop vouloir en faire, Pirates des Caraïbes, le secret du coffre maudit prend le risque, au choix, de lasser ou de lessiver. Car finalement, on pourrait lui reprocher d’être presque trop frénétique, ne sachant aménager quelques plages de repos afin de digérer les trente morceaux de bravoure qui précédent. 2h30 à ce rythme ont de quoi venir à bout du plus endurci des spectateurs. Mais outre ces broutilles qui témoignent d’un excès de générosité, ce nouveau volet saura ravir les fans conquis de la première heure. Rarement une suite n’aura été plus justifiée. Entre un bestiaire mythologique - Davy Jones et sa clique de matelots mutés façon fruits de mer entièrement en CGI donnent un sérieux coup de vieux à Gollum et Jar-Jar - et des personnages sérieusement étoffés, l’univers des Pirates en sort grandi. Utilisant habilement les pistes lancées par le premier épisode, les scénaristes ont su déployer avec une certaine ingéniosité une intrigue serial faite de rebondissements fantasques mais à l’histoire solide. Et ce n’est pas la géniale pirouette finale, annonciatrice d’un dernier épisode prometteur, qui va cesser de faire penser à la trilogie de George Lucas. Quoi qu’il en soit, Pirates des Caraïbes, le secret du coffre maudit est la preuve éclatante qu’il y a encore quelque chose à espérer de la part des grosses machines hollywoodiennes, qu’on se le dise.