Pirates des Caraibes, la malédiction du black pearl
Pirates of the Caribbean - The Curse of the Black Pearl
États-Unis, 2003
De Gore Verbinski
Scénario : Ted Elliot, Terry Rossio
Avec : Orlando Bloom, Johnny Depp, Keira Knightley, Geoffrey Rush
Durée : 2h20
Sortie : 13/08/2003
Le fameux pirate Jack Sparrow, épaulé par le forgeron Will Turner, partent à la poursuite du pirate Barbossa, commandant du Black Pearl, un vaisseau fantôme qui sème la terreur sur les mers des Caraïbes, à la recherche d'un antique trésor aztèque.
FOR WE ARE THE JOLLY GAY PIRATES
Amère déception que ce Pirates des Caraïbes, qui avait pourtant le potentiel de se placer au côté d'un Gladiator, en renouvelant un genre tombé en désuétude par l'apport d'une réalisation inspirée, d'une interprétation exaltée et par des effets spéciaux à la pointe du progrès. Malheureusement, seul le dernier point est pleinement rempli. En effet, si la mise en chantier d'un film basé sur une attraction des parcs Disney laissait craindre le pire, les rumeurs qui l'entourèrent par la suite furent plus encourageantes. Le principal constat d'échec provient donc certainement de cette incessante ambivalence entre les bonnes et les mauvaises intentions. Ainsi, le scénario prometteur est finalement gâché par un manque certain de rigueur. Il en va de même pour la réalisation de Gore Verbinski, tout auréolé pour son adaptation du Cercle (remake d'un film de fantôme japonais), mais probablement bridé ici par son omnipotent producteur; Jerry Bruckheimer. Les regrets seront d'autant plus gênants que le film offre ça et là quelques savoureux moments de cinéma, avec notamment l'entrée en scène d'un Johnny Depp en pirate déchu, seul maître à bord d'une pauvre embarcation qui prend l'eau, ou bien avec les superbes effets des pirates zombies se transformant à la lumière de la lune.
OHE DU BATEAU!
Depuis Errol Flynn et son mythique Captain Blood, cela faisait longtemps que le film de piraterie n'avait plus le vent en poupe. Les dernières tentatives se sont soldées par des échecs, commerciaux (tel que l'excellent Pirates de Roman Polanski) ou artistiques (l'affligeante Ile aux pirates de Renny Harlin), et le film de Verbinski avait la lourde tâche de redresser la barre et de prendre le bon cap. Et s'il parvient à éviter les récifs infestés par les fantômes du film d'Harlin, il n'est pas arrivé à bon port pour autant. La faute en revient principalement à une histoire aux enjeux dramatiques mal fichus (toute l'intrigue avec le père du personnage d'Orlando Bloom frôle le non-sens) et pas assez marqués (pourquoi les pirates fantômes ne préféreraient-ils pas leur immortalité de zombies plutôt que les affres d'une vie mortelle?), ainsi qu'à un manque flagrant du souffle de l'aventure au grand large. Le film pèche aussi par des dialogues ineptes et d'incroyables longueurs laissant suggérer qu'il aurait pu être bien plus court sans pour autant amputer l'histoire. De plus, les personnages semblent n'être que des pantins au service d'une intrigue paresseuse et passent le plus clair de leur temps à se courir après pour se perdre dans un épilogue d'un ridicule consommé.
ET UNE BOUTEILLE DE RHUM
Heureusement, quelques belles images viennent agrémenter un tableau qui aurait pu virer au cauchemar. Le budget de 130 millions de dollars est visible dans chaque cadre, chaque plan, tant les décors et les effets spéciaux sont magnifiques. De la même manière, le film parvient parfois à atteindre le niveau de qualité exigé et livre alors de jolis morceaux de bravoure, notamment avec le combat final, exploitant intelligemment le concept des pirates morts-vivants. De plus, Johnny Depp, même si son cabotinage peut agacer, compose un savoureux personnage de pirate gay, avec maquillage et riches costumes. Le voir gesticuler, déclamer d'amusantes tirades, demeure un grand plaisir pour un peu que l'on oublie son interprétation légèrement affectée. Peu enclin à livrer de tièdes performances, Geoffrey Rush apporte un joli ton dramatique au sempiternel rôle de pirate sanguinaire. Dommage alors que Orlando Bloom et Keira Knightley ne puissent pas prétendre à une telle folie ou à une telle ampleur avec, certes, des personnages moins intéressants. Grâce à ces quelques qualités, le film parvient à se maintenir à flot et à voguer vers les rivages d'un succès certain, où une suite se trouve déjà en cale sèche.
En savoir plus
Si, officiellement, le film est adapté d'une attraction Disney (avec à la clé de rares mais amusantes références), officieusement, les fanatiques de jeux vidéos retrouveront dans Les Pirates des Caraïbes des éléments de la série qui a fait leur bonheur: Monkey Island, édité par LucasArts. En effet, les deux œuvres ont en commun les pirates fantômes, l'humour décalé ainsi qu'un jeune héros épris de la fille du gouverneur et se rêvant pirate. Cet inattendu mariage permet de déguster avec un léger plaisir supplémentaire ce film fort sympathique mais imparfait.