Petite Lili (La)

Petite Lili (La)
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Petite Lili (La)
France, 2003
De Claude Miller
Scénario : Julien Boivent, Claude Miller
Avec : Nicole Garcia, Bernard Giraudeau, Jean-Pierre Marielle, Ludivine Sagnier, Robinson Stévenin
Durée : 1h44
Sortie : 27/08/2003
Note FilmDeCulte : ****--

Fils d’une actrice célèbre, Julien rêve de réaliser un film contre le système qui a perverti sa mère et fait d’elle une personnalité tributaire du box office et des goûts du public. Pour son premier court-métrage, il fait jouer Lili, jeune provinciale désireuse de percer dans le cinéma. Celle-ci se rapproche de Brice, lui-même cinéaste, et beau père de Julien.

ET DIEU CREA LA FEMME

Adaptation libre de La Mouette d’Anton Tchekhov, La Petite Lili s’inscrit à merveille dans la filmographie d’un cinéaste très apprécié par la presse étrangère, mais souvent boudé dans nos contrées. Son nouveau long métrage se situe à la croisée du naturalisme des premiers essais - L’Effrontée, son plus grand succès - et des expérimentations formelles de La Chambre des magiciennes. Réflexion amère sur le temps qui passe et sur le processus douloureux et cathartique de la création artistique, La Petite Lili fascine et agace, questionne et provoque. Avec les portraits sans concession de Brice et Julien, Claude Miller met en scène ses propres doutes de réalisateur entré dans l’âge mûr. Deux cinéastes (l’un expérimenté, l’autre novice) rivalisent de séduction pour une starlette au visage d’ange incarnée avec force par Ludivine Sagnier. Autour d’eux, gravitent des personnages plus discrets rassemblés dans une propriété bretonne assommée par la chaleur estivale. Il y a Mado, mère du sauvageon cinéphile et amante du briscard de la culture "qui joue au golf avec le ministre". Mais aussi Jeanne-Marie, jeune femme effacée qui se révèle au fur et à mesure comme "la personne la plus intéressante" selon les propres dires de Brice. Deux femmes rapidement éclipsées par l’irruption de la pulpeuse Lili.

L’AMOUR A LA PLAGE

Dans une lumineuse première partie située à l’Ile aux moines, Claude Miller excelle dans la peinture des fêlures familiales et l’évocation du désir naissant. Les bons mots fusent, les seconds rôles sortent peu à peu de la caricature pour véritablement exister à l’écran. Les acteurs se livrent à nu; Jean-Pierre Marielle est inoubliable en vieux bougon maladif. La musique minimaliste du compositeur estonien Arvo Pärt (déjà utilisée dans Gerry de Gus Van Sant) creuse la mélancolie du film et place l’accent sur la symétrie des situations. Chaque scène se répète et se superpose à une autre. Sur la plage, Lili se sépare de Julien, bien trop fougueux et possessif. Quelques instants plus tard, au même endroit, elle se jette dans les bras de Brice, son nouveau protecteur. L’usage parfait de la caméra et l’étirement du temps réveillent les sentiments, la profondeur et l’ambiguïté de chaque personnage. Lili n’est pas l’ingénue naïve que l’on croit; elle use et abuse de son charme pour conquérir les hommes, parvenir à ses fins et s’offrir une place de choix près des étoiles. Les deux cinéastes aux idées contraires se découvrent des points communs. Brice avoue apprécier le court métrage de son beau-fils. Julien demande à Brice de participer à son film.

BERGMAN DE PROVINCE

La suite déçoit. Dans la seconde partie à Paris, Claude Miller privilégie le discours à la forme et, malgré quelques très belles scènes, rompt la magie des premiers instants en voulant être trop explicite. Les rapports complexes entre la création artistique et la vie privée sont exagérés. Lors de l’anniversaire de Lili, le film tombe dans le cliché grossier de l’actrice arriviste qui couche pour réussir. Miller privilégie le jeune couple au détriment des personnages secondaires, délaissés en cours de route. Le ton devient plus artificiel, les situations plus anecdotiques. Le cinéaste a beau citer la Nouvelle Vague en s’appuyant sur la présence de Michel Piccoli ou en s’inspirant de l’atmosphère de La Nuit américaine de François Truffaut, on éprouve quelques difficultés à croire le nouveau Julien, réconcilié avec le cinéma qu’il abhorrait une heure auparavant. Le "Bergman de campagne" décide pour son premier long d’exalter la vie de studio avec des performances d’acteurs - les fameux numéros de "singes savants" qu’il décriait avec virulence - et des dialogues très travaillés. Une pirouette adroite de Claude Miller pour légitimer sa vision du cinéma. Restent une ambition manifeste et stimulante de sortir des sentiers battus, une grande audace formelle et bien sûr, une interprétation sans faille qui aurait pu (dû?) être récompensée lors du dernier Festival de Cannes.

par Yannick Vély

En savoir plus

Le texte scandé par Lili dans le court-métrage de Julien est extrait de La Mouette d'Anton Tchekhov.

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