Pauline s'arrache
France, 2015
De Emilie Brisavoine
Durée : 1h28
Sortie : 23/12/2015
Ça commence comme un conte de fées : il y a une reine, un roi et leurs beaux enfants, Pauline, Anaïs et Guillaume. Mais c’est plus compliqué que ça en fait...
MÉMOIRE D'UNE JEUNE FILLE DÉRANGÉE
« Je ne m'attendais pas à faire un film ». Voilà des mots que l'on n'entend pas souvent dans la bouche d'un cinéaste. Cela tombe bien, on ne voit pas souvent des films aussi zinzins que Pauline s'arrache. La cinéaste en question, c'est Emilie Brisavoine. La Pauline du titre, c'est sa petite sœur. Et pendant des années, la première a filmé l'autre à travers des petits films de famille, sketches bricolés ou confessions privées. Un jour, l'une a quitté l'autre, et l'idée du film est née : Pauline s'arrache n'est pas un documentaire ou reportage classique, le film est trop bancal et malpoli (en un mot : punk) pour ça. On ne peut pas dire non plus qu'il s'agisse de fiction bien sûr, et pourtant c'est bien la structure d'un conte de fées qui s'invite, avec cette princesse à délivrer de l'ennui ado. C'est surtout un montage joyeusement bordélique d'images familiales, de l'archive en VHS au téléphone portable qui filme en cachette, qui n'étaient à priori jamais destinées à sortir du cercle intime.
Cette intimé non-calculée donne au film une authenticité rare dans son portrait d'adolescents. Pauline, sa famille et ses amies sont captés dans leur gouaille naturelle, tantôt drama queens larguées et hagardes, tantôt têtes à claques attendrissantes, aux contradictions hilarantes. Pour notre plaisir et notre stupeur, la caméra d'Emilie Brisavoine ne se met pas de barrière : qu'il s'agisse de filmer leur beau-père en train de se travestir ou de laisser Pauline détailler la torture qu'elle veut infliger au sexe de son ex (qu'on voit pourtant à l'écran). Pourtant, ce n'est tous les jours la fête à la maison. L'agitation contagieuse de Pauline traduit aussi une incertitude quant à l'équilibre familial. Entre une mère elle-même blessée dans son égo, et son nouveau compagnon, un homosexuel de vingt ans de moins qu'elle, obligé de devenir père d'adolescentes, la vie quotidienne n'est pas simple. Peu à peu, tandis que les différents membres de la famille se livrent à la caméra, se dessine le schéma de névroses familiales passant de génération en génération. Le rire du début devient amer, le ton se fait parfois vachard (le beau-père est parfois exaspérant de mauvaise foi), mais le film ne perd ni son cap, ni son énergie. De la boulangerie Baguépi du bas de l'immeuble à la Gay Pride en passant par le plateau de Ça se discute, Pauline s'arrache suit un parcours toujours surprenant. Un film drôle, mais surtout un drôle de film.