Paulina
Patota (La)
Argentine, 2015
De Santiago Mitre
Durée : 1h43
Sortie : 13/04/2016
Paulina, 28 ans, décide de renoncer à une brillante carrière d’avocate pour se consacrer à l’enseignement dans une région défavorisée d'Argentine. Confrontée à un environnement hostile, elle s’accroche pourtant à sa mission pédagogique, seule garante à ses yeux d’un réel engagement politique, quitte à y sacrifier son petit ami et la confiance de son père, un juge puissant de la région...
EN SORTANT DE L'ECOLE
Avec El Estudiante, on avait laissé Santiago Mitre avec un héros qui n’en était alors qu’à son apprentissage politique. Paulina passe à la vitesse supérieure, et ce à tous les niveaux. D’abord parce que ce second long métrage est plus ambitieux et infiniment plus réussi. Ensuite parce que l’héroïne de Paulina n’en est cette fois plus à son apprentissage politique : elle décide de mettre les mains dans le cambouis et de confronter ses idéaux à la société. Il est beaucoup question de confrontation dans Paulina. Paulina, qui ne s’orientait pas vers cette carrière, devient professeure pour des jeunes gens d’une région défavorisée du pays. Elle affronte des gamins qui ne lui feront pas de cadeaux – et il n’y a pas ici de place pour les bons sentiments façon Michelle Pfeiffer prof d’Esprits rebelles. Vous avez l’impression d’avoir vu le film avant même qu’il ne débute ? Vous vous trompez. Car Mitre a l’intelligence de déplacer peu à peu les enjeux et l’essentiel ne se passera pas tant que ça entre les murs de la classe.
Paulina s’ouvre par un affrontement verbal filmé en un long plan-séquence : la caméra virevolte entre la fille et le père, l’une annonçant à l’autre son désir de reconversion professionnelle. Le père est paternaliste, la fille s’oppose. Plus tard, Paulina (incarnée brillamment par Dolores Fonzi qui a des faux airs d’Ariane Labed) ne fera rien de ce que lui dit son fiancé. En creux, Paulina fait le portrait d’une société encore extrêmement patriarcale où le vernis progressiste a vite fait d’être écaillé, où les femmes ont la parole et sont responsables de leurs choix… jusqu’à un certain point. « Tu es une victime, pas une héroïne », assène le père, pourtant bienveillant et moderne, à sa fille remise à « sa place ».
Paulina parle de situations complexes et les traite de façon ambiguë. Plus précisément, c’est le comportement de Paulina qui peut sembler ambigu. Mais, comme c’est le cas des films lorsqu’ils sont intelligemment écrits, l’important n’est pas de comprendre un personnage mais d’y croire. On croit à ce personnage qui, malgré un accident qui aurait pu la détruire, se relève et refuse toute facilité. On croit à cette héroïne singulière qui, en imaginant les règles nouvelles d’une autre société, refuse donc que la société telle qu’elle est lui dicte son comportement. « Avec les pauvres, on ne cherche pas la vérité mais des coupables ». Santiago Mitre raconte avec audace le parcours d’une femme qui, fidèle à elle-même, est contrainte d’aller au-delà des discours bien-pensants pour voir le réel tel qu’il est – dans l’espoir de le changer. Porté par une construction surprenante, Paulina est une vraie réussite.