Paul dans sa vie

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Paul dans sa vie
France, 2005
De Rémi Mauger
Scénario : Rémi Mauger, Guy Milledrogues
Avec : Fabrice Adde, Françoise Bedel, Paul Bedel, Marie Jeanne Bedel
Durée : 1h40
Sortie : 03/05/2006

Note FilmDeCulte :

Cette fois, c'est sûr, Paul arrête. A son âge, c'est plus sage. Et Paul Bedel est un sage. A Auderville, son village du cap de la Hague, il vit dans la ferme où il est né il y a plus de 75 ans. Il y demeure avec ses deux soeurs, célibataires comme lui. Ensemble, ils ont arrêté le temps il y a bien longtemps. Sans aigreur ni rebuffade, Paul a laissé passer le progrès. Il a préservé et cultivé son lien à la nature. Au XXIeme siècle, il nous l'offre en héritage.

DU FOLKORE ET DU RESTE

"Moi je ne suis pas dans le folklore, je suis dans ma vie". Une phrase et Paul Bedel nous informe: il n'est pas dupe, il a tout compris. Tout compris à la fois du piège et de l'invitation. Du phénomène de bête curieuse, de l'attraction strip-tease, du vieux garçon bougon gros pif et ses vieilles sœurs vieilles filles, versus la belle âme au visage buriné et aux calleuses mains tordues. Le champ de labour a offert des récoltes diverses au champ documentaire moderne, depuis les sublimes Profils paysans de Raymond Depardon, jusqu'aux embarrassantes expériences villageoises de Pierre Creton. Avec le premier, Paul dans sa vie partage un goût du plan simple, de la terre foulée, de l'effort des corps, de l'usure des gestes, de la beauté du trivial et de la grandeur du modeste. Du second, hélas, Rémi Mauger emprunte parfois une tendance fâcheuse à l'arrière-pensée. On se souvient que, dans Secteur 545 et dans le triptyque Le Soleil les regarde, Creton faisait entrer la littérature à l'étable et souriait du mélange des genres. Ce sourire gênait — à tort ou à raison — parce qu'on n'en saisissait ni l'adresse ni la réelle distance. La même gêne survient ici lorsque, réminiscence télévisuelle (le documentaire vient du petit écran), telle ritournelle bondissante souligne le cocasse, tandis qu'un commentaire enflé porte aux nues le beau grand-père, dont la rudesse, parfois pénible, nous est vendue pour goguenarde. C'est pourtant elle qui, dissonant, retient l'attention, lorsque l'artifice (voix off, montage, ambiances sonores) a la bonne intuition de se mettre en retrait. Paul Bedel n'est alors plus dans le folklore: il porte au contraire le poids du quotidien, de l'amertume du temps qui passe, tourne rond, bientôt à vide, et pour combien de temps encore? Entre un rayon de soleil perçant les frondaisons et une confidence courbée, livrée en héritage en bordure de départementale, c'est ce chant du cygne d'une dignité usée qui fait la valeur rustique du film. En plein dans la vie.