Parle avec elle
Hable con ella
Espagne, 2001
De Pedro Almodovar
Scénario : Pedro Almodovar
Avec : Javier Camara, Geraldine Chaplin, Rosario Flores, Dario Grandinetti, Leonor Watling
Durée : 1h52
Sortie : 10/04/2002
Benigno aime Alicia, Marco aime Lydia. Pendant qu'elles sont dans le coma, ils leur parlent.
PAROLES PAROLES
Après le triomphe du flamboyant Tout sur ma mère, de la Croisette jusqu'aux Oscars, on s'attendait à ce que Pedro Almodovar cède aux sirènes hollywoodiennes. Il prend ainsi tout le monde par surprise en tournant son nouveau film en Espagne, avec un casting exempt de stars (sa "famille" n'apparait qu'en cameos). Bien lui en a t-il pris? Toujours est il qu'il signe là une oeuvre quasi parfaite, quintessence du mélo bouleversant et subtil. Ce Parle avec elle suit le virage amorcé depuis le très beau La Fleur de mon secret, délaissant les franches excentricités de Kika pour une mélancolie, un spleen plus profonds. C'est à un miracle de subtilité et de retenue que le spectateur assiste: Almodovar peut évoquer la mort, la solitude, lorgner presque vers la nécrophilie sans jamais donner dans le larmoyant, le pathos ou le vulgaire. Grâce à un amour certain de ses personnages (une torera forte et vulnérable, une jeune danseuse, un infirmier amoureux et un journaliste résigné), par ailleurs tous formidablement interprétés. Mais également grâce au côté aérien du film.
BALLET IBERIQUE
Voilà ce qu'a réalisé Almodovar: un ballet de deux heures, où les scènes de danse font office de dialogues. Qu'il s'agisse des scènes de danse en elles même, mais également des scènes de tauromachie, des scènes où Lydia endosse son habit de lumière, où Alicia est recouverte d'un linceul blanc, chaque mouvement semble être le fruit d'une chorégraphie, conférant ainsi au film une grâce unique. La caméra de l'ibérique, participant pleinement à cet état d'apesanteur en caressant doucement du dos de la main les visages des acteurs, ou l'utilisation de la musique (dont une séquence entièrement musicale assez poignante) sont également des atouts dans cette atmosphère douce amère. Voilà ce en quoi le cinéma d'Almodovar demeure jubilatoire: Parle avec elle est ce genre de film qui redonne ses lettres dorées de noblesse au mélo, de par son intelligence, sa finesse, mais aussi son inventivité et son audace. Ainsi, le spectateur peut se délecter d'un "film dans le film" avec un faux court métrage parfait, un pur plaisir de cinéma très communicatif, faisant de Parle avec elle une oeuvre vivante, au coeur vif, à la vénusté étincelante.