Orléans
Orléans, année 2011. Joane et Sylvia ont vingt ans, elles travaillent comme danseuses dans un club de strip-tease à la sortie de la ville. Dans le centre, c'est la période des fêtes de Jeanne d'Arc. Les deux filles vont se retrouver plongées au milieu de ces étranges festivités.
FRONTIÈRE(S)
Cela a-t-il encore beaucoup de sens de diviser les films entre fictions ou documentaires, quand les œuvres les plus passionnantes du moment s’attellent, par de nouvelles écritures, à rendre cette frontière caduque et de plus en plus perméable ? Récemment, on a vu ce flou grandir par exemple en Asie (chez la nouvelle génération de cinéastes thaïlandais) ou, plus proche de nous, dans l’insolite L’Hypothèse du Mokélé M’Bembé de Marie Voignier (lire notre entretien ici). Dans le cas d’Orléans comme dans les exemples ci-dessus, ce n’est pas tant que le tri entre ce qui relève de la captation ou de l’écrit soit de plus en plus difficile à effectuer, c’est que cette frontière-là n’est plus un enjeu. Le flou y est au contraire assumé, digéré, et surtout dédramatisé. Mais toutes ces oeuvres ne se ressemblent pas pour autant, et ce second long-métrage de Virgil Vernier, succédant à Commissariat (pour le coup 100% documentaire) arrive plutôt comme une nouvelle syllabe à un stimulant rébus.
Orléans est en effet une curiosité qui n’a pas peur de grand-chose. Pas peur d’opérer un parallèle pas évident entre Jeanne d’Arc et le destin de jeunes danseuses/hôtesses rêvant d’ailleurs. Pas peur d’imposer une durée sans concession : une petite heure, sans qu’on ait jamais l’impression que le film ne suive le rythme juste. Pas peur non plus de lancer les pistes les plus inattendues, de mélanger (parfois à l’intérieur des même séquences) des registres paraissant incompatibles. En passant de l’ultra-réalisme au merveilleux, de candides discussions d’ados au soupçon fantastico-médiéval, Orléans se transforme en aventure de poche qui rappelle parfois les improbables Reinette et Mirabelle de Rohmer - et parfois plus du tout. Sans filiation évidente, Orléans est un puzzle où chaque scène fait entrevoir un tout nouveau film, jusqu’à former un ensemble d’une inventivité telle qu’il ne ressemble absolument plus à un documentaire sur Jeanne d’Arc ou sur la ville d’Orléans. Et tant mieux.