Noi Albinoi
Noi Albinoi
Islande, 2003
De Dagur Kari
Scénario : Dagur Kari
Avec : Anna Fridriksdottir, Elin Hansdottir, Tomas Lemarquis, Throstur Leo Gunnarsson
Durée : 1h33
Sortie : 09/07/2003
Noi, dix-sept ans, rêve de quitter son village perdu en Islande. Les épreuves vont se succéder au rythme des tentatives du jeune homme.
NAETUR - DRAUMALOND
L'Islande, terre de rêve pour les agences de tourisme: ses fjords charmeurs, ses trois cent mille sympathiques habitants, son million et demi de moutons, sa production de morue, ses chanteuses à fleurs de karité, ses fées cachées derrière les rochers. Noi connaît trop bien le décor de ses angoisses: celui-ci porte le doux nom de Bolungarvik, compte moins de mille âmes et semble éternellement pris dans les glaces. Le jeune garçon ne souhaite qu'une chose: s'évader. Ce premier long-métrage au sujet apparemment rebattu navigue habilement entre comédie très noire et drame lumineux, et gagne ainsi un ton particulier qui le démarque avantageusement de la masse pour un résultat s'approchant parfois des rivages du fantastique. L’odyssée ordinaire de Noi, ado au physique décalé, perdu dans un no man’s land aussi étouffant qu’immaculé, trouve logiquement sa place dans une terre imprégnée par les présences féeriques. Dagur Kari (lire l'entretien), metteur en scène et scénariste de Noi Albinoi, étire la mélodie essoufflée d’un personnage en bout de course, à l’image de ses semblables, d’une copine revenue de la grande utopie fugitive, d’un père imbibé à une grand-mère en bout de parcours. Fuir à toutes enjambées vers Reykjavik, dans l’alcool ou vers la mort, voici le choix qui s’offre à un personnage pieds et poings liés à son village pris dans les glaces, hors du temps comme hors du monde.
TU N’AS PAS OU ALLER
Pour son premier film, Dagur Kari fait montre de jolies qualités, en particulier d’un regard d’une grande générosité envers ses personnages et un sens de l’absurde aiguisé qui fournissent au long-métrage sa poésie lunaire. Le village enneigé devient terrain de jeu où les symboles de mort sont propices au gag minimaliste (la soupe de sang, l’un des témoins de l’influence avouée qu’ont Les Simpsons sur le travail de Kari) ou à l’effroi viscéral (la vision de Noi, confiné dans une cave à peine éclairée), dans cette hésitation toute fantastique. Kari s’éloigne ainsi de la froideur cynique d’un Roy Andersson ou de la déréalisation plastique d’un Aki Kaurismaki pour mettre à jour une œuvre d’une profonde humanité, plus directe dans sa mise en scène et son discours. Le deus ex machina final continue d’explorer un désir de virginité présent durant tout le film comme symbole de nouveau départ, offrant à Noi une image d’ailleurs où l’œil se niche à défaut du pied. A ce titre, Noi Albinoi est un voyage sourd et détonnant, dont la mélancolie diffuse ne sacrifie rien à la pose glacée. Le cœur adolescent de Noi fait battre celui d’un film aux mêmes qualités juvéniles: palpitant et entier, naïf et brut. Les pieds pris dans la glace mais le regard dirigé vers l’inconnu.