Nocturnal Animals

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Nocturnal Animals
États-Unis, 2016
De Tom Ford
Scénario : Tom Ford
Avec : Amy Adams, Jake Gyllenhaal
Durée : 1h57
Sortie : 04/01/2017
Note FilmDeCulte : *****-
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Susan Morrow, une galeriste d’art de Los Angeles, s’ennuie dans l’opulence de son existence, délaissée par son riche mari Hutton. Alors que ce dernier s’absente, encore une fois, en voyage d’affaires, Susan reçoit un colis inattendu : un manuscrit signé de son ex-mari Edward Sheffield dont elle est sans nouvelles depuis des années. Une note l’accompagne, enjoignant la jeune femme à le lire puis à le contacter lors de son passage en ville. Seule dans sa maison vide, elle entame la lecture de l’oeuvre qui lui est dédicacée...

TAPE A (TROMPE) L’ŒIL

Il y a quelque chose de tape à l’œil dans le nouveau film de Tom Ford. Une élégance clinquante et sexy, toujours au bord de a vulgarité ou de la parodie. Un traitement hérité de son travail de couturier, où ses collections étaient toujours mises en scène dans une communication visuelle porno-chic, souvent mal copiée depuis. Il y a quelque chose de tape à l’œil dans la demeure trop chic et trop froide du personnage d'Amy Adams, dans les réceptions chatoyantes et glacées où elle se rend. La peinture outrée de cette jet set du monde de l'art contemporain n'est que le premier faux semblant d'un film qui les collectionne et les dispose sous une belle vitrine: Tom Ford connaît bien la superficialité dont on accuse les univers de papier glacé, pour en avoir été lui-même un acteur-clé. Nocturnal Animals frôle la caricature, mais sciemment. Chic et glacé, le film est surtout plus surprenant qu'il n'y paraît.

Si Nocturnal Animals est tape à l’œil, il est surtout trompe l’œil, dans le meilleur sens du terme. Un second récit, concernant un tout autre personnage, vient rapidement se greffer au premier. Or celui-ci y va encore plus franchement dans les archétypes: une intrigue de roman de gare, faite de cheap thrills et de fantasme de film noir, avec un Michael Shannon sur le fil de la bouffonnerie dans le rôle du shérif retors. Alors que le début du film s'attachait à une femme dans sa prison dorée, ce second récit ne met en scène que des personnages masculins, tous plus horribles et brutaux les uns que les autres. La violence y est autant cathartique que source de malaise, comme si Tom Ford réglait ses comptes avec la barbarie masculine, mais toujours avec une curieuse distance, avec un regard de coté assez queer.

Comme devant une illusion d'optique, on n'est d'abord pas bien sûr de comprendre comment les deux récits sont supposés interagir. Qui se fait mener par le bout du nez ? Le personnage d'Amy Adams, qui dévore sans filtre l'histoire qu'on veut lui faire gober? Le personnage de Jake Gyllenhaal, qui malgré ses meilleures intentions, endosse bien vite le rôle du vengeur bestial? Ou bien est-ce le spectateur, qui pense avoir un train d'avance sur la manière dont le puzzle va se construire? Tom Ford s'amuse des archétypes féminins et masculins, fait semblant d'aller dans leur sens pour mieux les malmener d'une ironie et d'un mauvais esprit certes discrets, mais cinglants. Il y aurait des lignes et des lignes à écrire sur ce personnage de femme qui paraît se repaître d'imaginer son ex-copain intello devenu enfin une brute épaisse. Est-ce elle qui projette ses fantasmes sur lui, ou bien est-ce Tom Ford qui nous tend la perche pour que l'on projette à notre tour cette interprétation un peu beauf sur un personnage féminin qui n'a rien demandé?

La question finale n'est pas tant "Qui se fait mener par le bout du nez ?" que "Qui y prend le plus de plaisir ?". Parce que, tout tordu qu'il soit, il y a effectivement un vrai ludisme à l’œuvre dans Nocturnal Animals, et il est tout à fait possible d'apprécier le film tout en passant au-dessus des questions citées. Le film est à la frontière entre le concept narratif et l'objet plastique attirant (jolies images, jolis acteurs et suspens facile d'accès pour emballer le tout), ce qui tombe plutôt bien, pour une œuvre sur le besoin (malsain ou non) que l'on a de se raconter des histoires. La leçon finale est mordante, et pourtant même là, malgré le retour de ce mauvais esprit cruel, l'ensemble ne se départit jamais de sa classe folle. Ce n'est pas rien.

par Gregory Coutaut

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