Nobody Knows

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Nobody Knows
Dare mo shiranai
Japon, 2004
De Hirokazu Kore-Eda
Scénario : Hirokazu Kore-Eda
Avec : Kan Hanae, Hiei Kimura, Ayu Kitaura, Kazumi Kushida, Momoko Shimizu, Yuuya Yagira
Photo : Yutaka Yamakazi
Musique : - Gontiti
Durée : 2h21
Sortie : 10/11/2004
Note FilmDeCulte : ******
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Livrés à eux-mêmes après le départ précipité de leur mère, quatre frères et soeurs, non scolarisés, vivent tels des clandestins dans un appartement de Tokyo. L'aîné, âgé de 12 ans, assume seul le rôle de chef de famille

AU REVOIR LES ENFANTS

Derrière les cloisons, emmitoufflés dans leur solitude et condamnés au silence, quatre coeurs battent à l'unisson. Les adultes se sont évanouis, les pères négligents rechignent à entrer en scène. Nobody Knows: personne ne connaît l'existence d'Akira et de ses trois frères et soeurs, Kyoko, Shigeru et Yuki, entrés comme par effraction dans leur nouvel appartement aux frontières bien restreintes. Hirokazu Kore-Eda égrène et fait vibrer ses saynètes avec légèreté, empoigne avec avidité l'instant présent, sans jamais devancer ni barricader ses jeunes interprètes. Tourné à intervalles réguliers pendant une année, Nobody Knows s'inspire d'un fait divers notoire au Japon, où une marâtre abandonne sa progéniture et la laisse se débattre contre le dénuement le plus total. La filiation s'arrête là, Kore-Eda évacue tout sensationnalisme et prend le parti des enfants, roseaux friables, délicats, mais interdits de larmes. En dépit de son sujet glissant, le conte s'affranchit de la chronique souffreteuse et du récit d'apprentissage vertueux, pour s'élever vers des horizons diaphanes. Les règles du cache-cache sont édictées dès les premières minutes: femme-enfant frivole, Keiko la mère énonce une série d'interdiction (ne pas sortir, ne pas se faire voir, ne pas faire de bruit...), à laquelle se soumet docilement le quatuor. Akira, l'aîné faussement nonchalant, Kyoko la cadette mélomane, Shigeru le benjamin grimaçant et Yuki la petite dernière, tête d'ange et semelles de caoutchouc chantant; face à eux, une société endormie et imperméable.

L'ACCORD PARFAIT

Même s'il se tient à distance, Hirokazu Kore-Eda ne filme pas une enfance claquemurée en la disséquant sèchement. Il l'accompagne à tâtons, pas à pas, s'essouffle et se réinvente avec elle, s'astreint à rester à la hauteur de ses protégés. Les jambes vacillantes, les mains maladroites, les ongles qu'on peint et le vernis qui s'écaille: autant de futilités devenues essentielles, une entêtante beauté luttant contre la décrépitude promise et l'oubli qui point. Le microcosme ne ressemble en rien à une cage, le capharnäum flirte davantage avec le cocon, la sphère intouchable. Les réflexes de l'enfance prennent vite le pas sur les lois du dehors. Les factures impayées servent de planches à dessins, les billets décomptés et distribués un à un font encore miroiter un Noël décent. La durée du métrage (2h21) est le temps nécessaire de la métamorphose, de l'appauvrissement inexorable aux sorties euphoriques. Et si l'oeil attendri de la caméra se mêle à la candeur exquise des protagonistes, Nobody Knows enjambe toute complaisance. A la véhémence du sociologue, le cinéaste préfère la douleur contenue, les errements versatiles. Nés chacun de pères différents, les enfants résignés n'ont plus le désir de se plaindre. Dès la fuite de Keiko, la rupture est consommée. Seul Akira ose sortir pour subvenir à leurs besoins pendant que Yuki et Shigeru occupent leurs après-midis à jouer. Et c'est cette aire de jeux cruels, en marge des autres (les voisins, les écoliers, l'autorité), que Kore-Eda rend si intense et si radieuse.

LE PLUS BEL AGE

Les situations âpres, l'élégance éthérée de la mise en scène, l'humilité des portraits ne sont pas sans rappeler Le Tombeau des lucioles d'Isao Takahata. Mais Nobody Knows célèbre moins le deuil de l'enfance que l'espoir d'une seconde naissance: renouveau tant espéré par une mère démissionnaire et attachante, dernier sursaut accélérant la recomposition d'une famille démantibulée. Kore-Eda ne blâme aucun parent, la violence naît d'injustices ponctuelles (le vol à l'étalage, les faux amis qui s'empressent de disparaître, la crasse et la suspicion). Menacé de trop-plein, Nobody Knows laisse pourtant éclore des sentiments enjoués, plus précieux que le désespoir et l'acrimonie: la première sortie collective, le premier pied posé sur le balcon infranchissable, les plantes capricieuses qui résistent aux intempéries. Saki la collégienne harcelée se joint à la petite brigade solidaire, un visage bienveillant (Susumu Terajima, second rôle fétiche de Takeshi Kitano) apparaît subrepticement au détour d'une partie de base-ball. Comme leurs doubles animés, Akira et ses frères et soeurs défient la peur, enterrent leur innocence et avec elle les hoquets et tous les malheurs essuyés. Le vrai secret, bien plus que la raison du départ de Keiko, est celui qui unit les survivants. Baignée de lumière, la marelle florissante de Kore-Eda ne semble connaître aucun hiver. Akira lève les yeux au ciel, les petits trains s'animent et les avions de papier trouvent un nouvel essor.

par Danielle Chou

En savoir plus

Yuuya Yagira, le jeune interprète d'Akira, a dernièrement fêté ses 14 ans et reçu le Prix de la meilleure interprétation masculine au Festival de Cannes 2004. Il coiffe au passage quelques poids lourds de la compétition, Gael Garcia Bernal pour Carnets de voyage, Geoffrey Rush pour Moi, Peter Sellers ou encore Choi Min-sik pour Old Boy. Recalé à ses examens de fin d'année, mais encouragé par cette récompense surprise, Yuuya pense persévérer dans le cinéma.

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