No Pain No Gain

No Pain No Gain
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No Pain No Gain
Pain & Gain
États-Unis, 2013
De Michael Bay
Scénario : Christopher Markus, Stephan McFreely
Avec : Dwayne "The Rock" Johnson, Anthony Mackie, Mark Wahlberg
Photo : Michael Seresin
Musique : Steve Jablonsky
Durée : 2h10
Sortie : 11/09/2013
Note FilmDeCulte : *****-
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Basé sur une histoire vraie et inspiré d'articles de presse parus dans le "Miami New Times", Pain and gain suivra les aventures criminelles du "Sun Gym gang". Composé de bodybuilders dopés aux anabolisants, le gang s'est rendu célèbre entre décembre 1999 et janvier 2000 par ses multiples vols, enlèvements et meurtres.

ALPHA BAY

Quand il en vient à Michael Bay, on a réalisé depuis longtemps que le cinéaste est adoré et haï pour les exactes mêmes raisons. Sa vision, que l'on ne saura jamais suffisamment qualifier de personnelle, et à laquelle beaucoup restent allergiques est également le principal attrait de son cinéma aux yeux des amateurs. Toutefois, au sein même des fans, les films de Michael Bay divisent. Personne ne parvient vraiment à s'accorder sur la période qui représenterait l'apogée du cinéaste. Même les constats les plus objectifs ne le sont visiblement pas, certains trouvant ses premiers films moins calmes que les derniers, jugés tout aussi illisibles par d'autres. Son montage était-il plus hystérique jadis? Les cadres et les mouvements de caméra sont-ils plus clairs et calmes aujourd'hui? Le numérique l'a-t-il trop débridé ou bien les expérimentations les plus folles sont-elles les bienvenues ? Ce souci vis-à-vis de la forme se traduit forcément dans le fond. Si les défenseurs du réalisateur soutiendront que Bay a toujours été parfaitement conscient du caractère outrancier de son cinéma, parfaitement assumé, le contexte dans lequel sa mise en scène évolue semble avoir muté au fil de sa carrière. Afin de mieux parler de No Pain No Gain, un petit état des lieux de la carrière de Michael Bay s'impose. Parce que No Pain No Gain est autant une réflexion sur le Rêve Américain que sur le cinéma de Michael Bay. En retrouvant enfin une histoire à raconter, le cinéaste signe son film le plus incarné et sans doute son œuvre la plus personnelle, une comédie noire qui permet enfin à l'auteur de rendre hommage à ses modèles les plus surprenants, les frères Coen, en se réappropriant leur registre qu'il marque de sa patte reconnaissable entre mille.

BAD BOY

Il est difficile de parler de distinction entre premier et second degré pour nombre des films de Michael Bay tant ceux-ci naviguent régulièrement entre les deux, au sein d'un même film parfois. A ce titre, le début de sa carrière témoigne du meilleur équilibre, avec The Rock et Armageddon, où, quand Bay se lâche et verse dans l'iconographie, c'est avec un poids, parce qu'il y croit (le climax avec les fusées vertes dans The Rock, le montage sur le discours du Président dans Armageddon). Puis quelque chose s'est cassé avec Pearl Harbor qui a rendu le metteur en scène beaucoup plus cynique. Par conséquent, il n'est pas étonnant de voir que beaucoup citent Bad Boys II comme leur Bay préféré. Un film qu'il a réalisé comme un gros doigt d'honneur et où il apparaît assez clair que son style y tourne un peu à vide tant le cinéaste en joue plus ouvertement, poussant l'ostentatoire jusqu'à l'extrême. Ce recul permet à des spectateurs plus réfractaires d'adhérer plus tranquillement. S'il est peut-être plus accepté d'admirer cet étalage décomplexé du cinéma de l'auteur, on préfère ses œuvres plus incarnées. Surtout que le réalisateur est parfaitement capable de jouer de son style sans perdre la foi qu'il lui voue. Le meilleur exemple de cette intelligence sera son film suivant, The Island, où l'imagerie publicitaire et le prisme magnifiant prennent du sens via le point de vue des protagonistes. Le problème, c'est que le film s'est soldé par un échec au box-office. Intervient alors Transformers, coincé quelque part entre le je-m'en-foutisme de Bad Boys II et l'aspiration plus sensée de The Island, jonglant sans cesse avec le second degré mais encore suffisamment incarné par moments pour que le spectateur y croie (cf. la scène de l'arrivée des Autobots). Malheureusement, pour le reste de la trilogie, Bay a abandonné tout ce qui conférait au premier film son charme de production Amblin et ne cherche même plus à raconter une histoire. Dans cette franchise, l'intrigue a toujours été un prétexte mais on ne retrouve plus le strict minimum assurant un semblant de rythme, d'implication. Bay n'a plus d'yeux que pour ses scènes d'action et si elles sont de plus en plus puissantes au fil des films, quelque chose s'est perdu en route. No Pain No Gain est son premier film en 8 ans qui ne soit pas un Transformers. Son premier film sans Bruckheimer ni Spielberg. Son premier film qui ne soit pas un film d'action. Un projet qu'il se traîne depuis plus de 10 ans et donc visiblement une histoire qu'il avait envie de raconter.

BAYATIFICATION

De la part d'un cinéaste qui s'est petit à petit éloigné de sa fonction de conteur pour ne s'intéresser plus qu'à des "moments" et non à un tout, la démarche tient du retour aux sources, de la renaissance, du renouvellement. Comme en témoigne le budget de 26 millions de dollars, microscopique à l'échelle de Bay. Quand on s'intéresse un peu au cinéma du bonhomme et que l'on essaie de voir s'il a quelque chose à dire au-delà de ce qu'il exprime par sa mise en scène et donc de cette vision du monde qui fait déjà de lui un auteur, No Pain No Gain c'est du pain béni. L'une des rares fois où Bay s'est aventuré à parler de ses films autrement que du point de vue du spectacle, c'était au cours d'une interview où le cinéaste évoquait l'une des récurrences thématiques de sa filmographie : la notion de sacrifice. Effectivement, c'est un motif qui revient fréquemment dans son œuvre : Stanley Goodspeed et sa pose christique dans The Rock, Harry Stamper et son suicide qui sauve le monde dans Armageddon, les soldats volontaires dans Pearl Harbor dont Danny et sa mort christique... Par ailleurs, au-delà du fétichisme militaire infantile qui anime Bay - il aime les gros navions et les explosions - c'est davantage cette notion de sacrifice qui le fascine dans la figure du soldat que le patriotisme qu'on lui prête de manière péjorative. N'oublions pas de citer le personnage Sam Witwicky dans les deux premiers Transformers. Dans le second, il adopte carrément un parcours christique (résurrection incluse), et dans le premier, on n'a de cesse de le renvoyer à la devise familiale, "No sacrifice, no victory". Une devise qui n'est évidemment pas sans rappeler la locution anglophone célèbre "No pain, no gain" qui donne son titre au dernier opus de Michael Bay. Tout se tient.

FARGOGEDDON

Pas de surprise à ce que Bay ait gardé avec lui l'envie de raconter cette histoire et n'en ait pas démordu, allant jusqu'à accepter de réaliser un quatrième Transformers pour convaincre Paramount de financer son bébé. No Pain No Gain, c'est le retour du Bay qui donne un sens à ses images. Une fois de plus, c'est en adoptant le point de vue de protagonistes naïfs qu'il justifie cette imagerie publicitaire qui le caractérise tant. Ici, le prisme magnifiant de Bay n'est autre que la façon dont ses personnages se voient et veulent voir le monde, en quête d'un Rêve Américain qu'on leur a promis et qui leur échappe. Tout est dans le slogan original : "Leur Rêve Américain est plus gros que le votre." En lieu et place du "I believe in America" qui ouvre Le Parrain, dont le protagoniste principal dit s'inspirer, celui-ci déclare au début du film "I believe in fitness". La mise en scène de Bay, qui a toujours été déconnectée de la réalité, revêt alors un aspect illusoire. Une façade de mesure dans ce monde de body-builders obsédés par les apparences. Au travers de cette approche réfléchie, Bay propose, plus encore que dans The Island, une réflexion sur son cinéma, aussi macho que les mâles alpha de No Pain No Gain. C'est un film où l'on s'injecte des produits dans le pénis afin de bander avant de menacer quelqu'un avec un gigantesque godemiché. Bay n'est pas quelqu'un de subtil. Même quand il fait un film avec un propos, ça reste bourrin. Et ce film c'est Bad Boys II avec du fond. Ce qui passait alors pour un simple exutoire joyeusement amoral trouve une résonance dans ce No Pain No Gain où Bay expose son point de vue misanthrope. Tout le monde en prend pour son garde. Les criminels du dimanche, leurs compagnes superficielles, leur victime odieuse, etc. Bien que la morale tombe de manière implacable à la fin, incarnée par le personnage de détective joué par Ed Harris, Bay a une certaine empathie pour ses protagonistes nigauds. Tout comme David Fincher l'avait fait en son temps avec Fight Club en passant de la pub à une critique de la société de consommation, Bay critique la culture de l'apparence après s'être forgé une filmographie de muscles, de flingues et de bagnoles (ou de bagnoles musclées qui sont aussi des flingues, aka Transformers). Le résultat est fascinant. No Pain No Gain cristallise bien la dualité qui traverse le cinéma de Bay, à la fois convaincu de son imagerie mais aussi toujours conscient de cette imagerie. Il a une certaine foi dans le concept du Rêve Américain et en même temps, il en montre la triste réalité avec cette histoire vraie de pieds nickelés et leur raccourci pour atteindre le rêve, un crime pour le réalisateur qui voit l'effort, le sacrifice comme un idéal.

REVENGE OF THE FALLEN

Plus que jamais, Bay met sa mise en scène au service du propos, et de l'histoire. Quand par exemple il recycle un travelling circulaire d'un gunfight de Bad Boys II, c'est dans une scène où ce travelling à désormais plus de sens, alternant entre deux pièces, une où va se livrer un drame et une plongée dans la comédie pure, faisant non seulement monter la pression mais alliant surtout le temps d'une séquence les deux registres du film. Le moindre ralenti a un sens, souvent pour tourner ce genre de plans en dérision, comme un power walk de héros qui s'éloignent des flammes mais avec le plus baraqué d'entre eux qui tressaille de peur. On jubile lorsqu'un plan unique raconte à lui seule toute une histoire, comme ce plan du visage absurdement déformé de Mark Wahlberg dans la piscine. En une image, tout est dit. Le passif publicitaire du cinéaste lui confère aussi cette force-là, touchant à l'essence même du septième art. En se défaisant des oripeaux de gratuité qui pouvaient handicaper son cinéma, Michael Bay offre son film le plus réfléchi, le plus maîtrisé depuis The Island. Seule ombre au tableau, la durée du film, qui tend une fois de plus vers l'auto-indulgence, mais témoigne de cette même générosité qui pousse l'artiste à vouloir en donner toujours plus au spectateur. A une ou deux brèves exceptions près, il n'y a aucune scène hors sujet qui vient parasiter le récit, à l'inverse de Transformers 3 ou Bad Boys II, où l'humour, réussi ou non, tombait souvent comme un cheveu sur la soupe en plus de rallonger inutilement le film. La comédie a toujours parcouru les films de Michael Bay et en signant enfin sa première vraie comédie, le cinéaste peut rester aussi généreux mais surtout plus cohérent. De plus, quand l'humour est servi par un trio d'acteurs en grande forme, on ne saurait bouder son plaisir. Wahlberg n'est jamais aussi bon que lorsqu'il joue des benêts (Boogie Nights, Les Rois du désert), tout comme Dwayne Johnson brille une fois de plus dans un exercice d'auto-dérision (Be Cool, Southland Tales). Caractérisé par une richesse de tons, allant du drame à la comédie au polar, formellement ludique, avec sa diversité de voix off et ses cartons originaux et hilarants, No Pain No Gain permet à Michael Bay de changer de registre et de redonner un peu d'âme à son cinéma.

par Robert Hospyan

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