Nebraska

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Nebraska
États-Unis, 2013
De Alexander Payne
Scénario : Bob Nelson
Avec : Bruce Dern
Photo : Phedon Papamichael
Durée : 1h50
Sortie : 02/04/2014
Note FilmDeCulte : *****-
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Un vieil homme, persuadé qu’il a gagné le gros lot à un improbable tirage au sort par correspondance, cherche à rejoindre le Nebraska pour y recevoir son gain… Sa famille, inquiète de ce qu’elle perçoit comme le début d’une démence sénile, envisage de le placer en maison de retraite, mais un de ses deux fils se décide finalement à emmener son père en voiture chercher ce chèque auquel personne ne croit. Pendant le voyage, le vieillard se blesse et l’équipée fait une étape forcée dans une petite ville en déclin du Nebraska. C’est là que le père est né. Épaulé par son fils, le vieil homme retrace les souvenirs de son enfance.

CE VIEUX RÊVE QUI BOUGE

Après The Descendants, long métrage qu'on peut trouver étrangement artificiel (lire un avis positif sur le film), Alexander Payne revient à un genre qu'il maîtrise à merveille: le road movie. Aux allers et venues en hélicoptère sur les îles de Hawaii succèdent les kilomètres avalés en voiture, comme dans Monsieur Schmidt ou sa plus belle réussite, Sideways. Pas de révolution avec Nebraska mais un affinement dans son art de la comédie triste et du drame drôle. Nebraska, à partir d'un McGuffin (un vieil homme part en voiture pour récupérer le million qu'il croit avoir gagné), raconte la relation entre un père et son fils, un homme et sa famille, les illusions perdues, les vieilles lubies au bord de la route. David Grant, le fiston de Nebraska, rappelle Miles, le loser magnifique de Sideways interprété par Paul Giamatti, flanqué ici de son père Woody (Bruce Dern), sorte de double grumpy du Schmidt joué par Nicholson il y a quelques années.

Recette ? Oui, mais les qualités de scénariste de Payne permettent d'aller au-delà de la simple mécanique. Son sens du détail fait merveille tout comme son mélange de tendresse et d'amertume: le silence gêné des retrouvailles familiales, la mère incollable sur tous les morts de la ville, ou l'apparition grotesque de cousins entre les Rapetou et les Crados. Derrière la comédie, il y a un décor en friches, une ville fantôme aux magasins fermés et où la crise est passée. Le rassemblement de vieux sent moins la mort que ces quartiers où il n'y a rien d'autre à faire que boire. Les antihéros de Payne titubent dans les vieux bars américains où grésillent quelques vieux morceaux de rock FM. C'est dans ce décor trivial que s'organise un poignant pèlerinage.

Au-delà du vernis automatique du noir-et-blanc-sublime (alors qu'il peut ne pas l'être, mais ici il l'est plutôt), Payne signe surtout sa plus belle mise en scène. Ses longues bandes de paysage découpées par les lumières et les ombres, ou son soin du cadrage qui sert autant la beauté esthétique du film qu'il nourrit l'émotion et installe la comédie. On retrouve beaucoup du ton d'une certaine frange de romans graphiques américains, dont le désespoir a la politesse de se cacher derrière une humble mélancolie. Il y a les films-du-coeur qui crient leur humanité mais qui sentent le toc. Payne fait tout le contraire avec son cinéma et Nebraska en particulier. Cet équilibre très difficile à trouver entre cruauté sans cynisme et bienveillance sans mièvrerie fait de ce nouveau long métrage un vrai petit trésor.

par Nicolas Bardot

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