Naguima
Nagima
Kazakhstan, 2014
De Zhanna Issabayeva
Scénario : Zhanna Issabayeva
Durée : 1h17
Sortie : 26/11/2014
Naguima est une jeune femme disgracieuse, illettrée et peu diserte qui a été abandonnée à la naissance et placée dans un orphelinat. Elle partage dorénavant un petit studio dans les environs de la ville d’Almaty avec son amie Anya rencontrée à l’orphelinat et qui est enceinte. Mais Anya meurt lors de l’accouchement et le nouveau-né - une fille - se retrouve à son tour placé dans un orphelinat. Afin d’arrêter ce cercle vicieux, Naguima décide de l’adopter...
GOD HELP THE GIRL
Ce n’est pas exagéré de le dire : Naguima a plus ou moins la pire vie du monde. Jeune fille portant toute la misère de la planète sur ses épaules, elle survit grâce à un petit job dans sa cabanette d’un coin perdu du Kazakhstan avec une copine enceinte jusqu’aux molaires. Personne pour l’aider puisqu’elle a été abandonnée à la naissance, personne pour l’aimer non plus puisque décidément, la chance parfois ne veut pas sourire. Alerte au pensum misérabiliste ? Pas du tout. La réalisatrice Zhanna Issabayeva (lire notre entretien), contrairement à ce qu’on a pu voir récemment chez ses compatriotes Darezhan Omirbayev et Emir Baigazin (dont les films L’Etudiant et Leçons d’harmonie sont sortis début 2014 en France), a la main plutôt légère sur les symboles en plomb ; et l’aspect brut de Naguima (dans lequel vous ne trouverez aucun rires enregistrés) est préférable à la naïveté embarrassante des deux longs métrages précédemment cités.
La méchanceté semble sans limite dans Naguima, à un point tellement horrible qu’on se croirait parfois devant les fictions cruellement drolatiques de Todd Solondz, où l’horreur du monde dans son quotidien le plus banal déforme le drame pour en faire une comédie. Naguima n’est pourtant pas une comédie, comme en témoigne son développement tragique. Son cri est fort non pas parce que Issabayeva empile les scènes de mélo, mais parce qu’elle sait mettre en scène, élever son sujet par la forme, le cadre, qui donnent de l’ampleur au drame anonyme d’une petite vie. « Dis-moi que tu m’aimes », supplie l’héroïne lors d’une scène-clef. Ce qui pourrait constituer un braquage émotionnel finit par toucher grâce au traitement de Zhanna Issabayeva, qui atteint une certaine pureté à partir d’un sujet parfaitement impossible.