My Little Princess
France, 2011
De Eva Ionesco
Scénario : Marc Cholodenko, Eva Ionesco, Philippe Le Guay
Avec : Isabelle Huppert
Photo : Jeanne Lapoirie
Durée : 1h45
Sortie : 29/06/2011
Hannah et Violetta forment un couple hors du commun : mère insaisissable et fillette en quête d'amour maternel, artiste fantasque et modèle malgré elle. Lorsqu’Hannah demande à sa fille si elle veut être son modèle, tout bascule dans la vie de Violetta qui vivait avec sa grand-mère.
C'EST DE L'ART, CONNASSE
Le premier long métrage d’Eva Ionesco a attiré le buzz dès sa présentation à la Semaine de la critique à Cannes. Récit autobiographique d’un passé à priori sulfureux et tabou, touchant des personnalités réelles (et encore vivantes) du milieu intellectuel et artistique français. Il y avait effectivement de quoi faire parler et générer beaucoup d’articles. Mais derrière le sujet-choc, qu’en est-il du film en lui-même? Il commence tout d’abord de manière un peu bancale. My Little Princess semble souffrir d’une volonté de recréer certains souvenirs inévitables (la scène où la mère déshabille sa fille en pleine cour d’école, les bons mots sortis en soirée pour se faire remarquer…), enchainant les passages obligés au détriment d’une fluidité globale, mais aussi détriment du réalisme psychologique (le passage de la petite héroïne du statut de jeune muse à celle de victime incestueuse se fait abruptement, sans explication ni transition). Mais ce non-respect du réalisme, même s’il ne paraît pas toujours très assuré ou volontaire, est précisément ce qui fait décoller le film.
Eva Ionesco cite parmi ces influences Mario Bava et les vieux films de vampire. S’il y a quelque chose du vampire dans My Little Princess, c’est autant dans cette figure de maman castratrice que dans le déploiement orgiaque de costumes et de perruques invraisemblables, sortis tout droit d’un luxueux coffre à jouets, de cet appartement mi-bordel mi-tombeau de reine, décor érotico-morbide cartoonesque et fantasmatique. Fort de cet éloignement progressif du réalisme, l’affrontement en huis-clos entre cette Joan Crawford blonde et cette Shirley Temple la bouche remplie à ras-bord d’injures vire peu à peu à la bouffonnerie la plus camp, quelque part entre Mommie Dearest et Baby Jane en moins grand guignol et hystérique. Chaque scène rejoue en boucle le même affrontement jusqu’à l’absurde, et à force d’insultes stériles et mises à mort symboliques, cette mère et cette fille qui passent leur temps à se crêper le chignon finissent par ressembler à un vieux couple de drag-queens usées, fatiguées de leur performance sans spectateurs.
My Little Princess pâtit sans doute d’un certains manque d’assurance dans sa réalisation, et semble parfois écrit à la va-vite, mais le film est littéralement transcendé par la performance d’Isabelle Huppert. Elle est une fois de plus géniale et surprenante en maman ogresse blonde platine, mi-Veronica Lake mi-Elisabeth Bathory. Tout d’abord grâce à ses qualités évidentes d’actrices machine de guerre, d’autant plus flagrantes ici que le casting mélange pros et amateurs (dans les premières scènes où s’affrontent la mère, la fille et la grand-mère, personne n’a l’air de jouer dans le même film), mais surtout en apportant au personnage d’indispensables nuances (cette mère parait au final plus inconsciente que cruelle). Son jeu symbolise bien ce mélange de réalisme et de merveilleux kitch qui rend le film aussi surprenant, et au final convaincant. Rien que pour elle, My Little Princess est à voir.