My Architect
My Architect: A Son’s Journey
États-Unis, 2003
De Nathaniel Khan
Scénario : Nathaniel Khan
Avec : Louis Khan, Nathaniel Khan, Sue Ann Khan, Harriet Pattison, Alexandra Tyng, Anne Tyng
Photo : Robert Richman
Musique : Joseph Vitarelli
Durée : 1h56
Sortie : 13/10/2004
Documentaire biographique et intimiste sur l’architecte Louis Khan, son œuvre et ses deux vies cachées.
RECHERCHE
Lorsque l’architecte Louis Khan meurt d’un infarctus en 1974 dans les toilettes de la Penn Station à New York à son retour d’Inde, des trous béants dans sa biographie se révèlent peu à peu aux yeux du monde. Outre le mystère qui entoure les conditions de sa mort et son passeport à l’identité effacée, il laisse derrière lui trois enfants, trois femmes, trois familles, dont deux extraconjugales restées cachées dans l’ombre de l’officielle. Son fils, Nathaniel, né de sa troisième union, n’a alors que onze ans. Après de nombreuses absences, son père est parti à tout jamais, pas mort, juste parti. Aujourd’hui âgé de 39 ans, metteur en scène et cinéaste accompli, il revient au travers de ce documentaire sur la vie de cet homme qu’il a finalement peu connu. Sous l’interrogation ultime "peut-on comprendre quelqu’un après sa mort?", il jette comme multiples fils directeurs les diverses questions qu’il se posait étant enfant. A quoi ressemble son travail réellement? Que peut-il bien refléter de sa personnalité? Comment était-il avec les autres personnes? Quelles étaient ses relations avec les différentes femmes de sa vie? Est-il vraiment mort? Vingt-huit ans ont passé, il part à la recherche de la réelle identité de ce père absent pour essayer de mieux le connaître, de reconstruire le personnage qu’il était, de mieux appréhender son monde, de percer la carapace du mythe et des énigmes qui l’entourent.
RECONSTRUCTION DU PUZZLE
La première étape dans cette recherche du savoir autour de Louis Khan était sans doute de s’entretenir avec ses proches, ses femmes, ses filles, ses collaborateurs, ses complices, ses adversaires. Des interviews qui servent de jalons, de trame de fond à ce documentaire. Des révélations à la fois touchantes et lourdes, dessinant une personnalité déterminée et inaccessible dont le charisme semblait mener ses compagnons à une sorte d’aveuglement qui leur permettait de supporter sa dureté et son acharnement. Des témoignages pesants, larmes aux yeux, que le réalisateur complète avec des instants plus légers quasi comiques comme l’intervention de l’architecte Robert A.M. Stern ou la rencontre improbable avec le fils de l’homme qui a découvert Louis Khan dans Penn Station. Des entretiens déconstruits, dispersés, comme toutes ces personnes qu’il a connues au cours de sa carrière, de ses voyages, qui ne se connaissaient guère mais qui formaient comme des petits mondes autour de l’architecte. Des blocs thématiques agencés en mosaïque par Nathaniel Khan, laissant transparaître dans sa mise en scène une vie morcelée mais méticuleusement arrangée et maîtrisée. Comme si Lou avait également architecturé son existence, ajoutant avec chacune de ses histoires une nouvelle pierre à son édifice vivant, à l’image de ses constructions de briques, de panneaux de bétons et de bois aux délimitations visibles, qui se plaçaient en opposition aux monolithes blancs d’Oscar Neimeyer.
De façon non linéaire, Nathaniel Khan juxtapose à ces interviews des images d’archives de films tournés par Hans Namuth et Paul Falkenberg, et des vues d’édifices remarquables. Des documents réalisés dans les années 60 et 70, récupérés pour la plupart auprès du MOMA, il ne garde que des instants de l’architecte en mouvement, en train de parler. Il se focalise sur ses discours, sa façon d’appréhender et de penser son métier, ses conférences dans les écoles d’architecture. Il fait des gros plans sur des petits détails qui révèlent toute une façon de vivre. Des petits bouts de l’homme disséminés au long du métrage, des balises qui apparaissent et disparaissent comme le faisait Lou dans la vie de son fils. Quant aux différentes pièces d’architecture, il les filme comme un touriste qui les découvrirait pour la première fois, parmi d’autres personnes, inconnues, qui habitent ces bâtiments, les utilisent, les rendent fonctionnels, leur donnent une vie qui leur est propre au-delà de leurs qualités esthétiques. Il les aborde sous différents points de vue, s’en approche, s’en éloigne, essaye de trouver des emplacements inhabituels pour sa caméra, afin de comprendre leur fonctionnement et, par là, le cheminement de pensée de son père. Car ce n’est pas la perfection de l’œuvre d’un grand architecte que Nathaniel Khan filme, mais bien l’existence, la personnalité, la vie de l’homme que fût son père.