Monsieur Schmidt

Monsieur Schmidt
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Monsieur Schmidt
About Schmidt
États-Unis, 2002
De Alexander Payne
Scénario : Alexander Payne, Jim Taylor
Avec : Kathy Bates, Hope Davis, Dermot Mulroney, Jack Nicholson, June Squibb
Durée : 2h05
Sortie : 05/03/2003
Note FilmDeCulte : *****-

Employé de soixante-six ans fêtant son départ à la retraite, Warren Schmidt s'apprête à rejoindre le mariage de sa fille au Nebraska pour tromper son ennui. En chemin, il correspond avec Ndugu, un enfant de Tanzanie qu'il parraine pour 73 cents par jour. Dans les longues lettres qu'il lui adresse, Warren réalise la vacuité de son existence.

THE SCHMIDT STORY

Il y a du Lynch et du Tchekhov dans ce troisième long-métrage du prometteur Alexander Payne: belle parenté en perspective. De Lynch, Monsieur Schmidt rappelle le voyage crépusculaire de Alvin Straight dans Une Histoire vraie, où un homme au couchant de sa vie s'embarque sur son tracteur pour traverser les Etats-Unis et retrouver son frère. De Tchekhov, Payne emprunte le parfum désenchanté de son Oncle Vania, où un noyau familial se désagrège autour de la figure paternelle du vieux Voïnitzki. Ici, Warren Schmidt, soixante-six ans, prend le volant de son camping-car pour voir sa fille unique (le but étant moins gracieux puisqu'il s'agit d'empêcher le mariage de la progéniture). Voyage tout aussi physique que mental: les périples de Straight et de Schmidt ont des allures de My Way final, de baroud d'honneur où la dernière ligne droite de vie est l'opportunité d'un sursaut quasi-juvénile. Le road-movie durant lequel Schmidt s'affranchit de ses habitudes en se tournant vers l'extérieur est tout aussi introspectif, et ce dans une tessiture plus comique.

L'illusion d'un idéal, la vieillesse désabusée, le pathétique émanant du quotidien, Payne possède un regard tchekhovien sur l'univers qu'il distille dans Monsieur Schmidt - Warren lui-même n'étant pas sans rappeler la figure irascible de l'oncle Vania issu du roman éponyme de l'auteur russe. Cette illustre référence littéraire n'est pas un hasard: alors que les qualités d'écriture de Election avaient déjà été louées, Payne (accompagné de Jim Taylor) fait à nouveau preuve d'une finesse remarquable dans l'élaboration de son scénario, faisant du vide quotidien de Schmidt le spectacle extraordinaire d'une existence ordinaire.

ABOUT A BOY

L'épure de la ligne narrative (juste "à propos de Schmidt", comme l'indique le titre original) s'enrichit au gré des pérégrinations du bonhomme: le one man show devient presque film choral, avant de retrouver sa figure de proue. Celle-ci se nomme Jack Nicholson, acteur dont il devient convenu de vanter les talents mais qui se trouve être le véhicule rêvé, tant sa grandeur porte le film à un niveau supérieur. Autour de lui, Payne brode une petite constellation de personnages savoureux (avec de brillants seconds rôles tels que Kathy Bates, Hope Davis ou Dermot Mulroney) mais on est vite tenté de ne voir que ce personnage en or transcendé par un grand acteur à son meilleur niveau. Le réalisateur-scénariste en profite pour décrire avec acidité les errances d'un homme qui se rend compte de la vacuité de son existence une fois qu'il n'exerce plus sa profession. Le voile tombe sur une terne réalité qui pousse Schmidt à se demander "Qui est cette vieille femme qui vit chez moi?" au sujet de son épouse, dont il partage la vie depuis pourtant nombre d'années.

Après la crise d'adolescence, la crise de la quarantaine, Payne se penche plutôt sur la troisième étape dans l'ordre des crises existentielles, portant à l'occasion un regard pertinent sur cette nouvelle espèce désignée par le terme politiquement correct de "seniors". Monsieur Schmidt pose à ce sujet la question de la représentation du corps, de la sexualité et du désir, ainsi que des désillusions au seuil de la mort - passant (gentiment) outre autant de tabous. Si la toile de fond est plutôt dramatique, on peut saluer la talentueuse propension de Payne à filmer le bon gag dans un tempo toujours parfait. Le tragi-comique permanent de Monsieur Schmidt lui confère sa grandeur, à l'image des lettres au jeune Tanzanien, dont l'adresse, "Dear Ndugu" devient l'improbable leitmotiv de l'élégie triviale d'un homme comme les autres. Supérieurement mis en scène, écrit et interprété: que demander de plus?

par Nicolas Bardot

En savoir plus

Alexander Payne

Valeur montante d'Hollywood, Alexander Payne est né à Omaha, au Nebraska, lieu de tournage de son nouveau film. Etudiant d'histoire et de littérature espagnole à l'Université de Stanford, il signe en 1991 un court métrage de 50 minutes, The Passion of Martin, sur un photographe malchanceux en amour. En 1996, il réalise son premier long co-écrit avec James Taylor, scénariste de tous ses films par la suite. Satire sur l'avortement, Citizen Ruth (1996) met en scène Laura Dern en mère enceinte droguée et glane plusieurs prix dans les festivals. Adapté d'un roman de Tom Perrotta, L'Arriviste (1999, avec Matthew Broderick, Reese Witherspoon et Chris Klein) est sélectionné au Festival de Sundance et de nouveau plébiscité par la presse américaine. Nominé aux Oscars, le film jette un regard grinçant sur la politique, à travers les élections mouvementées d'un lycée. En 2001, Payne co-écrit avec son complice James Taylor le scénario de Jurassic Park III, de Joe Johnston.

Jack Nicholson

Jack Nicholson, ou le rictus le plus célèbre du cinéma, a fait son retour en sélection cannoise un an après The Pledge de Sean Penn, et trente-trois ans après le cultissime Easy Rider de Dennis Hopper. Prix d'interprétation à Cannes pour The Last Detail de Hal Ashby, Jack Nicholson fait ses classes chez Roger Corman et plusieurs séries B, avant de connaître la consécration en 1975 avec Vol au-dessus d'un nid de coucou de Milos Forman, qui lui vaut un premier Oscar. La suite est une success story comme on n'en fait plus: Chinatown de Roman Polanski (1974), Profession: reporter de Michelangelo Antonioni (1975), Shining de Stanley Kubrick (1980), L'Honneur des Prizzi de John Huston (1985), Les Sorcières d'Eastwick de George Miller (1987), Batman (1989) et Mars Attacks! (1996) de Tim Burton... En 1997, il reçoit sa troisième statuette pour le film de James L. Brooks, Pour le pire et pour le meilleur. Il est nommé pour la douzième fois cette année dans le rôle de Warren Schmidt.

Hope Davis

Formée à Londres par des professeurs de la Royal Shakespeare Company, Hope Davis monte sur les planches à Chicago et à New York, avant de se lancer dans une carrière au cinéma. Joel Schumacher lui offre un petit rôle dans L'Expérience interdite (1990), qui sera suivi par Maman j'ai raté l'avion, de Chris Columbus, la même année. Après une apparition dans Kiss of Death de Barbet Schroeder (1995), elle joue dans En route vers Manhattan de Greg Mottola, découvert à la Semaine de la critique en 1996 et The Myth of Fingerprints de Bart Freundlich (1997), aux côtés de Julianne Moore et Noah Wyle. On l'a vue récemment dans Arlington Road de Mark Pellington (1999) et Coeurs perdus en Atlantide de Scott Hicks (2001).

Dermot Mulroney

Meilleur ami de Julia Roberts dans le film de P.J. Hogan (Le Mariage de mon meilleur ami, 1997), Dermot Mulroney joue les seconds rôles dans moult comédies, westerns ou thrillers; on l'aperçoit entre autres dans Bad Girls de Jonathan Kaplan (1994), Copycat de Jon Amiel (1995) ou Kansas City de Robert Altman (1996). Tom Di Cillo le fait tourner dans deux de ses films: Living in Oblivion (1995) et Box of Moonlight (1996). En 2000, il donne la réplique à Emily Watson dans Trixie d'Alan Rudolph. Danielle Chou

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