Monobloc

Monobloc
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Monobloc
Argentine, 2005
De Luis Ortega
Scénario : Luis Ortega
Avec : Graciela Borges, Rita Cortese, Caroline Fal, Evangelina Salazar
Durée : 1h23
Sortie : 01/01/2005
Note FilmDeCulte : *****-

Un parc d’attractions d’aspect abandonné au milieu de nulle part. Perla vient de se faire licencier car elle ne peut plus assumer son rôle de Minnie. Perla est malade et doit se faire purifier le sang régulièrement. Elle vit avec sa fille Nena qui porte un pied-bot. Madrina vit dans l’appartement d’à côté et partage le quotidien des deux femmes. Un quotidien qui se partage entre des visites sur le toit pour aller se tremper dans la piscine, les rendez-vous de Perla à l’hôpital et des rencontres dans les appartements respectifs.

EXCLUSIVEMENT FEMININ

Monobloc est le second long métrage du cinéaste argentin Luis Ortega. Il a écrit le scénario de son premier Black Box alors qu’il avait seulement dix-neuf ans et lui fait par ailleurs un petit clin d’œil dans cette seconde œuvre. Le film débute sur un ciel nuageux aux teintes orangées, la caméra descend pour se poser sur le seul morceau de ciel bleu du film, celui figurant sur la pancarte du parc d’attractions. Image, comme ce parc d’attractions, d’un passé qui fut et n’est plus. En effet le plan se poursuit avec la découverte dudit parc, vide de monde et complètement à l’abandon avec son unique grande roue, une caravane fermée et un poulain dans son enclos, seule trace de vie qui ne survivra pas au film. La caméra semble flotter alors qu’elle explore les lieux. Toute l’essence du film est contenue dans cette première séquence. Les couleurs qui seront de tous les extérieurs, cette impression de flottement, d’irréalité mais aussi et surtout la solitude et la menace de la mort. Sans oublier l’élément sonore, assourdi, mélange de souffle venteux et autres sons sourds et hermétiques. Les personnages de l’histoire sont tous féminins. Outre Perla, Nena et Madrina, il y a la meilleure amie de Perla qui travaille au parc d’attractions et l’infirmière de l’hôpital. Les seules présences masculines sont une courte apparition de Mickey, dans ce qui ressemble plus à une hallucination de Perla, où il conserve tout le temps son masque, et le nain de jardin bleu qui vit avec Perla et sa fille. Les hommes que reçoit Nena en échange de quelques pièces sont toujours hors champ et ne prononcent aucun mot, et quand Madrina va acheter un billet pour le Brésil, la caméra reste sur elle et les réponses de son interlocuteur(trice) sont inaudibles. Ils pourraient tout aussi bien ne pas exister et l’histoire dans son ensemble prend souvent la consistance d’un rêve, d’un monde parallèle dont la scène principale est cet immeuble, ce monobloc.

RÊVE D’UNE MORT, MORT EN RÊVE

Le film baigne dans cette lumière oscillant du jaune à l’orange le plus foncé et les intérieurs sont teintés de couleurs sombres. Le côté intemporel du film est renforcé par les vêtements des trois femmes qui sont toujours identiques. Perla n’a qu’une seule robe de couleur chair qu’elle ne quitte pas pour dormir, Nena vit et dort en maillot de bain rouge à l’intérieur et en robe rose dehors, Marina a, elle, un maillot de bain noir pour la piscine et toujours la même robe rose pour les autres plans. Les scènes à l’hôpital baignent dans une blancheur immaculée, les seules touches de couleur étant les vêtements de Perla et son sang qui circule dans "la machine". Les trois femmes ne travaillent pas et tuent le temps en attendant que celui-ci n’emporte finalement Perla. L’ombre de la grande faucheuse flotte en effet comme une menace et le quotidien prend des allures de couloir de la mort. Les mots prononcés seront de toute façon impuissants à changer l’ordre des choses, alors Nena les réduit au minimum. La communication n’a pas d’importance, ce qui est important c’est de se sentir en vie. Madrina parle de toutes façons pour deux, d’autant plus quand elle a un verre de Fernet à portée de main, et celui-ci n’est jamais loin. Elle n’hésitera pas à mentir quand la situation sera trop lourde pour elle, à la différence de Perla qui fera son mea culpa avant de partir, histoire de se mettre en règle avec sa conscience avant le grand voyage. Luis Ortega réussit un touchant portrait de femmes dans un univers onirique, entre rêve et univers parallèle, à l’esthétique envoûtante doublée d’un excellent travail sonore et d’audacieux mouvements de caméra.

par Carine Filloux

Partenaires