Mon cher ennemi

Mon cher ennemi
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Mon cher ennemi
How Harry became a tree
, 2002
De Goran Paskaljevic
Scénario : Christine Gentet, Goran Paskaljevic, Stephen Walsh
Avec : Kerry Condon, Adrian Dunbar, Colm Meaney, Cillian Murphy
Durée : 1h50
Sortie : 10/07/2002
Note FilmDeCulte : *****-

Harry, veuf vivant seul avec son fils Gus depuis la mort de sa femme et de son aîné, voue une haine terrible et infondée à un voisin, commerçant riche et cavaleur: George O'Flaherty. Fatigué, aigri, cette haine reste la seule chose qui le maintient éveillé, lui donnant un semblant d'intérêt pour la vie.

Il existe un endroit, à l'écart du village de Skillet, où la prairie s'étend à perte de vue, jusqu'aux montagnes d'Irlande, sans le moindre arbre, le moindre arbuste. De l'herbe, rien que de l'herbe, quelques plantations de choux, et l'horizon formant une courbe parfaitement délimitée avec le ciel, courbe rendue floue par les pluies bien trop fréquentes. C'est dans cette région que le cinéaste serbe a choisi de planter ses caméras pour son premier film après le succès international de Baril de poudre. Le "cher ennemi" du titre, c'est tout d'abord ce paysage magnifiquement filmé, qui ne fait qu'un avec la tristesse et la pauvreté des personnages, entraînant immanquablement leur haine les uns pour les autres, et leur médisance. Ce paysage, qui enterre les personnages, ne leur laisse d'autre choix que celui de haïr profondément leurs voisins pour se donner l'impression d'exister. Tout vient de la terre, et tout retournera à la terre, notamment le personnage de Harry, prenant à la manière de Boris Vian l'expression "prendre racine" à la lettre, pour matérialiser à l'écran la très belle métaphore du titre original, proche du conte pour enfants (Comment Harry devint un arbre).

Oui, mais il y a Gus, le fils mal aimé de Harry. Et Gus n'est pas comme son père, il ne le comprend pas, ne l'approuve pas, se trouve régulièrement en désaccord avec lui, notamment dans la relation avec George O'Flaherty, personnage finalement assez sympathique, malgré sa tendance à sauter sur tout ce qui est de sexe féminin. Gus ne souhaite pas rester enterré dans cette contrée, il veut bouger, changer d'air, évoluer, avec sa femme, gracieusement achetée contre une récolte de choux par son père. Alors, dans un ultime sursaut pétri d'espoir, Gus s'en est allé, a quitté par un beau matin pluvieux sa contrée natale, et a laissé son père seul avec sa haine. Très beau personnage, qui prend toute sa force, son élan, dans ce refus des conventions, de la destinée et des haines familiales sans fondement. Dans son opposition au pathétisme du père et à la mesquinerie des habitants du village. Dans son amour pour cette femme, qui le conduit à tout lui pardonner, même les infidélités, comme pour s'excuser de la médiocrité de sa vie. Emouvant.

par Anthony Sitruk

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