Mon Colonel
France, 2006
De Laurent Herbiet
Scénario : Costa-Gavras, Jean-Claude Grumberg d'après d'après l'oeuvre de Francis Zamponi
Avec : Charles Aznavour, Eric Caravaca, Guillaume Gallienne, Olivier Gourmet, Bruno Solo, Robinson Stévenin, Cécile de France
Photo : Patrick Blossier
Musique : Armand Amar
Durée : 1h51
Sortie : 15/11/2006
1995. Le Colonel à la retraite Duplan est assassiné chez lui. Une lettre est envoyée aux enquêteurs: "Le Colonel est mort à Saint-Arnaud". Retour quarante ans en arrière, en Algérie…
MOX
Le cinéma français et l’histoire douloureuse de son pays: deux notions qui depuis quelques décennies semblent se bouder. Mais plusieurs films paraissent en ce moment vouloir jeter des ponts vers la guerre d’Algérie: la superbe mais austère Trahison de Philippe Faucon l’an dernier, prochainement L’Ennemi intime de Florent-Emilio Siri et Les Cartouches gauloises de Medhi Charef. Aujourd’hui, Mon Colonel, qui revient plus spécifiquement sur les "pouvoirs spéciaux" accordés aux militaires et la dérive vers la torture. Le film adopte une structure en deux époques: la première, qui se déroule en 1995, revient sur l’assassinat du Colonel à la retraite Duplan. Un jeune lieutenant, joué par Cécile de France, revit les évènements de la guerre d’Algérie en étudiant des lettres anonymes qui parviennent au ministère de la Défense suite au meurtre. Elles nous plongent aux côtés de Guy Rossi (Robinson Stévenin), un jeune volontaire affecté auprès du Colonel Duplan (Olivier Gourmet). Les deux hommes vont petit à petit lutter contre l’insurrection en ayant recours à la torture. Rossi, d’abord réticent, se fait lentement consumer par le système.
AVOIR VINGT ANS A SAINT-ARNAUD
Cette structure en deux temps, complètement éculée, fonctionne difficilement. Les scènes en 1995 sont parfois laborieuses tant elles sont figées. Les retours sur le personnage de Cécile de France, loin d’enrichir l’action et l’échange entre passé et présent, contribuent surtout à désamorcer la tension naissante. Car le cœur du film, en Algérie, est assez réussi. La photographie noir et blanc de Patrick Blossier, superbe, réussit à donner vie à un univers glauque et ambigu. La première partie du film réserve justement de beaux moments d’absurdité, comme ce banquet en plein désert, et retranscrit avec beaucoup de justesse la vie changeante dans ce petit bout de France en sursis. Lorsque le film se fait plus grave et solennel, s’il gagne en courage, il perd de son tranchant. L’interaction entre Rossi et Duplan ne devient pas pour autant schématique (c’est la force du film), mais perd de sa saveur. Olivier Gourmet impose une présence forte dans le rôle-titre mais Robinson Stévenin a plus de mal à suivre. Le glissement progressif, presque ordinaire, vers la torture glace le sang, et la description du chaos naissant au sein même des villes dérange et remue, mais le film manque de fièvre et n’atteint jamais l’urgence de La Trahison ou du pourtant lointain La Bataille d’Alger.
En savoir plus
Mathieu Kassovitz, qui avait déjà tourné pour Costa-Gavras dans Amen. avait émis le souhait d’interpréter Rossi. Mais le temps que le film se fasse, l’acteur-réalisateur n’était plus libre. Les producteurs ont auditionné des dizaines de jeunes comédiens avant de fixer leur choix sur Robinson Stévenin.