Mission : Impossible - Dead Reckoning Partie 1

Mission : Impossible - Dead Reckoning Partie 1
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Mission : Impossible - Dead Reckoning Partie 1
États-Unis, 2023
De Christopher McQuarrie
Scénario : Christopher McQuarrie
Avec : Hayley Atwell, Tom Cruise, Pom Klementieff, Simon Pegg, Ving Rhames
Musique : Lorne Balfe
Durée : 2h43
Sortie : 12/07/2023
Note FilmDeCulte : *****-
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Ethan Hunt et son équipe de l’IMF se lancent dans leur mission la plus périlleuse à ce jour : traquer une effroyable nouvelle arme avant que celle-ci ne tombe entre de mauvaises mains et menace l’humanité entière. Le contrôle du futur et le destin du monde sont en jeu. Alors que les forces obscures de son passé ressurgissent, Ethan s’engage dans une course mortelle autour du globe. Confronté à un puissant et énigmatique ennemi, Ethan réalise que rien ne peut se placer au-dessus de sa mission - pas même la vie de ceux qu’il aime.

TOP CRUISE VS LES ALGORITHMES

La franchise Mission : Impossible est sans nul doute la meilleure série cinématographique au monde. Je ne compte évidemment pas les Star Wars, Indiana Jones, Retour vers le futur, Batman, Spider-Man, Mad Max et autres franchises principalement réalisées par une seule et même personne. Je parle de licences comptant autant d'épisodes, où les cinéastes se sont succédés (et pas des moindres). Quelle autre saga peut prétendre à ce titre, à part Alien? C'est pourquoi il est quelque peu regrettable que pour les trois (et bientôt) quatre derniers tomes (en date?), la star produisant les films fasse encore et toujours appel à son gars sûr depuis Walkyrie, Chris McQuarrie, déjà script doctor sur le quatrième film. Si McQuarrie n'est pas à l'origine des morceaux de bravoure de Ghost Protocol de Brad Bird, c'est ce dernier qui est devenu le modèle à reproduire pour la suite de la saga, désormais vendue en grande partie sur les prouesses trompe-la-mort de Tom Cruise. Par conséquent, la série risque la fastandfuriousisation : à trop vouloir se surpasser dans les cascades, la démarche risque de tourner au gimmick et la surenchère de rimer avec effets numériques nécessaires, une régression pour une saga qui a pris le relai des James Bond et se démarque dans le paysage audiovisuel actuel par sa rigueur des cascades réalisées en dur. Et Dead Reckoning - Partie 1 s'avère peut-être le premier épisode dont l'intrigue stimule davantage que ses morceaux de bravoure. En effet, si l'on pourrait reprocher à McQuarrie de peiner à conférer une identité distincte à son troisième épisode - comme il avait pu le faire avec l'épique Fallout, résolument différent du old school Rogue Nation - on ne saurait en vouloir à un cinéaste d'approfondir plus que jamais son approche analogique et politique du matériau.

Tout film est, en quelque sorte, un documentaire de sa propre réalisation mais jamais cette analogie n'a-t-elle été aussi vraie que pour les Mission : Impossible où le protagoniste s'entoure d'une équipe pour accomplir des opérations semblablement insurmontables afin de parvenir à ses fins. Cruise n'utilisant aucune doublure, la nécessité pour le personnage de réussir sa mission n'a d'égal que celle de l'acteur pour réussir sa cascade. Ou de McQuarrie contraint de deviser une aventure toujours plus rocambolesque et spectaculaire et apparemment aussi improvisée que les décisions d'Ethan Hunt (Fallout avait entamé son tournage avec seulement 33 pages de scénario rédigées). Sur ses deux précédents chapitres, l'une des façons dont le scénariste-réalisateur se démarquait de ses prédécesseurs résidait dans l'approche réflexive du personnage d'Ethan Hunt. Avec ce nouvel opus, McQuarrie pousse la réflexion encore plus loin, s'attaquant directement aux codes de la saga et du genre.

Le titre du film revêt alors un double-sens, voire triple si l'on ajoute une lecture métatextuelle. Le dead reckoning, ou navigation à l'estime, est une méthode de navigation qui consiste à déduire la position d'un véhicule à partir de sa route et de la distance parcourue depuis sa dernière position connue. Le terme est utilisé dans le film dès l'introduction, lors d'une séquence en sous-marin qui fleure bon l'hommage à A la poursuite d'Octobre rouge, mais peut également servir à qualifier le raisonnement du principal antagoniste du film qui paraît capable de prévoir les actes du héros. Après avoir passé tout le sixième film à expliquer qu'Ethan Hunt pensait ne pas avoir de choix parce qu'il se voyait comme un martyr seul capable de sauver le monde, McQuarrie remet la notion du choix au cœur du film, notamment celui de rejoindre l'IMF.

Cet aspect métanarratif s'incarne de façon théologique dans le texte, la sémantique utilisée étant celle de la religion - on nous parle d'Entité, de "prophète du mal" et de "son Dieu" et le McGuffin est une clé cruciforme - mais le menace est bien réelle. Du deep fake aux tests psychométriques semblables à ceux auxquels on a tous pu répondre sur internet, les outils employés dans ce film d'espionnage, par un camp ou l'autre, renvoient à notre réalité, à notre quotidien même, et confèrent au propos du film une résonance terrifiante. L'autre mot qui ne cesse de revenir dans les dialogues est "vérité" et il apparaît évident que l'ère de la post-vérité incarnée par la présidence de Donald Trump représente le danger qui effraie McQuarrie. Le metteur en scène présentait déjà un rapport à l'analogique de plus en plus palpable dans les précédents (le message dans le vinyle ou dans une vieille bobine, les ordis qui ressemblent à des journaux, les fusils faits à partir de flûtes ou de tonfa, Hunt enregistrant dans son esprit toutes les informations d'une clé USB) et ce nouveau film entérine cette idée, faisant de la technologie numérique un handicap voire même un piège.

C'est pourquoi il est un peu décevant de constater quelques fonds verts et trucages numériques voyants lors du climax sur le train. S'il demeure excellent, notamment dans sa deuxième partie en film-catastrophe quelque part entre Le Monde perdu et les jeux vidéos Uncharted, il ne peut se mesurer à la tangibilité de la fin de Fallout (bien que le saut soit une nouvelle fois vertigineux). Pareillement, les courses-poursuites des deux précédents McQuarrie étaient plus forts et incarnés que celle à Rome ici mais elle demeure incroyablement ludique, enchaînant les véhicules différents et redoublant d'inventivité dans l'humour jusqu'à devoir autant à L'Or se barre qu'à...Un amour de coccinelle. Les 2h43 passent comme une balle mais il est regrettable qu'avec autant de temps, le film se fasse quelque peu avare en morceaux de bravoure (une courte scène de sniping dans le désert, une filature amusante dans un aéroport et quelques combats sur des ponts ou dans des ruelles à Venise). Une fois de plus, il manque encore LA séquence de tension dans la lignée du piratage de la CIA dans le De Palma ou l'infiltration dans le Kremlin du Bird ainsi que des scènes où l’on sent davantage l'équipe dont chaque membre se complémenterait par ses talents particuliers. Benji et Luther font doublon (le film l'assume même dans un échange amusant), Ethan et Ilsa font doublon. Heureusement, les deux nouveaux personnages féminins sont excellents, qu'il s'agisse de Pom Klementieff, meilleure femme de main depuis Xenia Onatopp dans Goldeneye, ou de Hayley Atwell. Si cette Partie 1 se tient mieux toute seule que Dune ou Across the Spider-verse, on a hâte de voir la Partie 2. Au vu des nombreuses références au premier film qui parcourent celui-ci, il s'agirait d'une conclusion logique pour Hunt et sa team (l'âge de Cruise, Ving Rhames et Simon Pegg commence d’ailleurs à se voir).

par Robert Hospyan

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