Miss Zombie

Miss Zombie
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Miss Zombie
Japon, 2013
De Sabu
Scénario : Sabu
Durée : 1h29
Note FilmDeCulte : *****-
  • Miss Zombie
  • Miss Zombie

Teramoto découvre à sa porte une jeune femme effrayée, dans une cage, le corps couvert de bleus et de cicatrices. Elle s’appelle Sara et, devenue zombie, ne peut pas parler, ne se souvient de rien. Lorsque Teramoto l’engage comme domestique, elle subit l’opprobre et les humiliations répétées des habitants. Seuls Shizuko, la femme de Teramoto, et leur enfant Ken-Ichi la considèrent comme un être humain...

L'ATTENTE DES FEMMES

Cela fait une quinzaine d’années que le Japonais Hiroyuki Tanaka (dit Sabu, lire notre entretien) réalise des films, et cela fait une quinzaine d’années qu’ils sont à peu près invisibles en France. Miss Zombie changera t-il quelque chose ? Gloire en tout cas à l’Etrange Festival de montrer en première mondiale une telle merveille. Derrière ce titre un rien potache se cache rien de moins qu’un des sommets de mise en scène de l’année qui évoque à la fois les noirs et blancs puissants des réalisations de Masahiro Shinoda et la classe formelle des œuvres de jeunesse fauchées de Koji Wakamatsu.

L’histoire de Miss Zombie est minimaliste. Une famille japonaise emploie une zombie comme domestique. Postulat extra-ordinaire, pourtant rien ne semble bousculer le quotidien de cette famille. La femme zombie, au fond du jardin, récure le sol. Gratte, gratte, gratte et gratte encore, et le bruit des frottements contre le carrelage crée une étrange mélopée. Etrange, ça oui : peu à peu, une inquiétante étrangeté s’installe. Discrètement. Sabu ne signe pas un film de zombie furieux. Sa femme zombie recoud la plaie sur sa main avec une curieuse douceur. Ses yeux noirs sont remplis de tristesse. On a davantage l’habitude de voir des fantômes que des zombies peupler le cinéma japonais. Mais le zombie de Sabu est aussi bien un fantôme errant, une belle femme des bas-fonds, qu’un vampire qui peut redonner vie en un baiser. Du film de zombie, Sabu conserve le discours social. C’est peut-être le sous-texte féministe qui est le plus frappant ici, le plus révolutionnaire, avec cette mise à mort du patriarcat et cette entente (même tragique) entre les femmes, aliénées, asservies ou zombies. Par de nombreux points d’intrigue, Miss Zombie rappelle un autre film d’horreur féministe marquant de ces dernières années : The Woman de Lucky McKee. L’héroïne n’était pas zombie mais c’est tout comme, elle était beaucoup plus enragée que celle de Miss Zombie, mais le renversement des valeurs est le même. Et les cris d’animaux de l’épouse du film de Sabu, barrés et expressionnistes, pourraient tout aussi bien sortir du gosier de la femme-animale de The Woman.

Miss Zombie frappe aussi par sa maîtrise. C’est une qualité qui peut sonner un peu robotique chez d’autres réalisateurs. Ici, on parle surtout de maîtrise du tempo (lent, hypnotique) à partir d’une histoire concise et d’une utilisation à la fois minimaliste et grandiose du noir et blanc. Ce plan magnifique d’un soleil de nuit semble échappé d’une photo déformée d’Hiroshi Sugimoto. Cet autre plan splendide où la lumière éclaire la zombie et l’enfant et où les poussières qui volent ressemblent à des paillettes nous plonge directement dans le conte. L’image noire est régulièrement transpercée de blanc (et inversement), comme le visage de l’héroïne est traversé par sa cicatrice. En plus d’être passionnant, Miss Zombie est beau à mourir. On souhaite à ce joyau de ne pas rester confidentiel.

par Nicolas Bardot

Commentaires

Partenaires