Les Misérables
France, 2019
De Ladj Ly
Scénario : Giordano Gederlini, Ladj Ly, Alexis Manenti
Avec : Jeanne Balibar, Damien Bonnard, Sofia Lesaffre, Alexis Manenti, Djebril Didier Zonga
Photo : Julien Poupard
Durée : 1h42
Sortie : 20/11/2019
Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux "Bacqueux" d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes...
LES FRERES MIZ
Ne laissez pas le titre, le pedigree du court-métrage dont le film est adapté, et sa présence au Festival de Cannes cette année, vous induire en erreur : Les Misérables est moins une simple chronique art et essai qu’un véritable thriller social. Secondé au scénario par Giordano Gederlini (Samouraïs), Ladj Ly,un des fondateurs du fameux collectif Kourtrajmé, nous saisit avec ce récit immersif et tendu de la première journée d’un nouveau à la BAC de Montfermeil. On n’est pas dans du Shéhérazade, mais dans une intrigue beaucoup plus haletante, qui a les défauts de ses qualités. A trop vouloir condenser, synthétiser, symboliser, le film force parfois un peu le trait. Ainsi, les premières 24 heures du personnage de Damien Bonnard le voient connaître toutes les exactions et bavures possibles… On ne perd pas de temps !
Avec le recul, certaines scènes paraissent hors-sujet (l’intro qui montre la liesse suite à la victoire française en Coupe du Monde, ajoutée manifestement au dernier moment), d’autres semblent là pour cocher une case sociologique (les Frères Mus…). Mais le film réussit à tirer son épingle du jeu par son immédiateté, sa contemporanéité : le drone, dont le nom même évoque le flicage, le maintien de l’ordre, est utilisé ici comme un outil accidentel de copwatch, activité militante à laquelle Ladj Ly s’est longtemps adonné. Par cet œil omniscient, Ladj Ly révèle ce qui a vocation à rester caché : l’omniprésence des violences policières. En dépeignant la banlieue, le film ne savait pas qu’il allait bientôt rejoindre l’actualité à une échelle bien plus large. On est en plein dans l’époque… Et dans le genre aussi, avec un final assumé et décomplexé, proche de Carpenter ou du film de zombies. Jusqu’au-boutiste, osé et cathartique.