Meurtrières

Meurtrières
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L’itinéraire tourmenté de Nina et Lizzy, deux filles un peu fragiles qui se retrouvent et se soutiennent au fil des rencontres, des mauvais plans, et de quelques rêveries flottantes.

LE BAISER DES TUEUSES

"Je n’aime pas l’idée de tuer", déclare l’une des héroïnes. Derrière le titre ironiquement tapageur, accroche de journal en mal de faits divers, se cachent ces meurtrières en goguette qui ne sont que deux jeunes filles un peu paumées, vivant tant bien que mal de leurs petites débrouilles. Projet abandonné par Maurice Pialat il y a trente ans, Meurtrières, sous la patte de Patrick Grandperret, prend le temps de trouver son rythme de croisière, car ce n’est pas tellement la pulsion sanglante qui intéresse le réalisateur, plutôt l’engrenage minutieux, l’escalade tragique de deux créatures célestes ramenées brusquement sur la terre ferme. Le puzzle, lui, prend forme, pièce par pièce. D’abord grâce au scénario, absolument brillant, qui capte "la vérité de l'instant" de Pialat avec un talent énorme, qu'il s'agisse des situations ou des dialogues; puis les jeunes actrices, Hande Kodja et Céline Sallette, deux diamants chacune dans leur registre - la mutique bougonne, encore un peu tendre, le visage plus rond qui appelle les caresses, et l'autre à fleur de peau, fantasque et ambiguë, aiguisée comme une lame. C’est de cette fragile balance que naît la réussite totale de Meurtrières.

LE PERIL JEUNE

Au cours d’une lente dérive, Grandperret capture quelques instantanés d’une jeunesse nue et mutilée, à mesure que le nœud du film se resserre sur son duo privé des codes qui semblent régir un monde étranger. Un monde dont elles ne font pas partie, qu’elles regardent à travers une vitrine, s’introduisant dans les maisons qui hurlent leur indésirable présence, persuadées qu’il faut être vieux pour avoir de l’argent. La clef récurrente de Meurtrières réside dans son étouffante tension sexuelle, seule monnaie d’échange pour celles qui ne maîtrisent les règles d’une société qui exploite Nina et Lizzy comme des objets, en les déshabillant littéralement dans un bar peuplé de pochards. Les filles en jouent, maladroitement, sans se rendre compte de l’impression rendue par une minijupe, dans ce mélange de cruauté et d’innocence où l’on peut se permettre quelques parenthèses imaginaires à bord d’une jonque, en costumes de pirates. Un équilibrisme en or, alternant l’humour de certaines scènes avec les blessures assassines d’une autre, les humiliations quotidiennes et quelques brasses apaisées ensuite, dans un film au sujet qui semble rebattu, mais dont la justesse de ton, d’écriture, et d’interprétation font toute la richesse.

par Nicolas Bardot

En savoir plus

Le film a décroché le Prix du Président du Jury (celui-ci étant Monte Hellman) dans la section Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes. Une récompense qui a été créée spécialement pour récompenser le long métrage de Patrick Grandperret, son premier depuis dix ans.

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