Memento Mori

Memento Mori
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Memento Mori
Yeogo Goedam II
Corée du Sud, 1999
De Min Kyu-Dong, Kim Tae-Yong
Scénario : Min Kyu-Dong, Kim Tae-Yong
Avec : Park Yeh-Jin, Lee Young-Jin
Durée : 1h37
Sortie : 08/05/2002
Note FilmDeCulte : ******

Une jeune lycéenne retrouve le journal intime de deux de ses camarades, racontant leur passion amoureuse qui tournera au drame...

Le suicide d'une fille, Hyo-Shin ("juste une fille", voilà le seul souvenir qu'elle veut laisser derrière elle), un fantôme qui vient hanter les couloirs du lycée, un univers clos pratiquement exempt de toute présence adulte, voici ce que conte Memento Mori, témoignant une nouvelle et énième fois de la richesse et la diversité du cinéma coréen actuel. Evoquant tour à tour Virgin Suicides, Carrie ou Battle Royale, le premier film de deux jeunes réalisateurs coréens, Kim Tae-Yong et Min Kyu-Dong, parvient malgré tout à se forger une identité propre, notamment grâce à un mélange de genres déconcertant, tout aussi déconcertant que sa narration éclatée, se jouant du montage (excellent) pour mieux pénétrer les méandres de la psyché de deux jeunes lycéennes, deux "créatures célestes" dont l'amour "à la vie à la mort" n'est pas sans rappeler celui qui unit Pauline Parker à Juliet Hulme dans le chef d'oeuvre de Peter Jackson.

C'est une approche très délicate d'un sujet morbide qui nous rappelle au bon souvenir de la première réalisation maîtrisée à la perfection de Sofia Coppola. Le coeur de Memento Mori balance souvent entre la poésie et la comédie salvatrice (surtout dans une atmosphère a priori peu propice aux éclats de rire). Les maladresses de jeunes lycéennes immatures, leur naïveté, leurs minauderies et chamailleries font souvent sourire et sont ici parfaitement dépeintes. Mais derrière les sourires et les uniformes propres et identiques se cache le drame: une histoire d'amour tout d'abord, puis l'écriture d'un journal relatant l'intense relation de Hyo-Shin et Shi-Eun jusqu'au suicide de l'une d'entre elles. D'un journal intime regorgeant de poésie adolescente à un monument dédié à leur amour caché au coeur du lycée, Memento Mori est avant tout un film infiniment touchant grâce à ces détails, sa poésie étant renforcée par une beauté visuelle éclatante (malgré des tremblements de caméra qui finissent par s'effacer peu à peu au fil du film).

Memento Mori est aussi le témoignage d'un fléau qui touche de plein fouet la Corée, à savoir le suicide qui y fait des ravages parmi les adolescents. Hyo-Shin ne semble d'ailleurs pas avoir été la première à se supprimer, et il demeure une impression de démission de la part des adultes, parents ou professeurs. A l'image d'un Battle Royale, des jeunes sont livrés à eux mêmes, ne sont pas ici confinés sur une île mais dans un lycée, ce qui revient à peu de choses près au même... Ce sera le lieu où se déchaînera la cruauté des uns envers les autres, ce sera un endroit clos décrit comme s'il n'y avait pas de vie à l'extérieur ("Que pourrais-je bien faire hors du lycée?" répond Shi-Eun à Hyo-Shin la questionnant dans un débordement de jalousie), un lieu où des professeurs dépassés ("Si vous êtes sages, ça n'arrivera plus." explique une enseignante à ses élèves en évoquant le suicide de leur camarade) se substituent à des parents totalement absents.

En plus d'une vraie poésie, c'est un réel désespoir qui habite Memento Mori, excessif, adolescent, mais réel. Ce cri de désespoir et d'abandon prend corps avec l'apparition d'un fantôme dans le lycée, sa présence imprégnant ses moindres recoins, jusqu'à s'attaquer à des élèves avec un esprit revanchard rappelant de manière assez évidente l'héroïne de Brian de Palma, Carrie. Une tête de Turc mise au ban de la société (ou du lycée, ce qui revient au même tant il est régi comme une mini société), une revanche qui ne s'opérera pas dans les flammes mais sous un déluge, un bal de Cendrillon fantasmé qui se transforme en fête d'anniversaire rêvée, les deux aboutissant au même chaos, à la même désillusion.

Reste des images saisissantes, un oeil surplombant qui observe les grenouilles effrayées hurlant dans le lycée, une tortue qui se fraie un chemin dans une atmosphère d'apocalypse, le sort de différents personnages se nouant parfois tragiquement lors de ce dénouement, formidablement et puissamment mis en musique (une bande originale globalement sublime). Memento Mori ne se laisse donc pas étouffer par ses écrasantes parentés, trouvant parfaitement sa place à leur côté. Avec cet objet délicat et sensible, poétique et sombre, les réalisateurs, mélangeant habilement les genres, laissent une trace dans l'esprit du spectateur, grâce à un film palpitant tel un coeur adolescent pour des détails a priori anodins, tel un oiseau écarlate s'écrasant sur des vitres ou un journal intime multicolore évocateur d'un amour passé.

par Nicolas Bardot

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