Megalopolis

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Megalopolis
États-Unis, 2024
De Francis Ford Coppola
Scénario : Francis Ford Coppola
Avec : Adam Driver, Shia LaBeouf, Jon Voight
Photo : Mihai Malaimare Jr
Durée : 2h18
Sortie : 25/09/2024
Note FilmDeCulte : **----
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La ville de New Rome doit absolument changer, ce qui crée un conflit majeur entre César Catilina, artiste de génie ayant le pouvoir d’arrêter le temps, et le maire archi-conservateur Franklyn Cicero. Le premier rêve d’un avenir utopique idéal alors que le second reste très attaché à un statu quo régressif protecteur de la cupidité, des privilèges et des milices privées. La fille du maire et jet-setteuse Julia Cicero, amoureuse de César Catilina, est tiraillée entre les deux hommes et devra découvrir ce qui lui semble le meilleur pour l’avenir de l’humanité.

MEGAFLOPOLIS

Comment un projet mûri sur près de cinq décennies peut s'avérer aussi inabouti? L'ambition de Megalopolis est indéniable, s'inspirant de figures romaines (mais sans rejouer à l'identique les événements qui les impliquent) afin de composer une fable prévenant du risque pour l'Amérique de devenir une "nouvelle Rome", la quête du pouvoir et la peur du changement provoquant l'avènement du fascisme. L'idée avait été conçue durant la Guerre Froide (et il en reste des oripeaux comme cet élément déclencheur du satellite russe) avant d'être tuée par le 11-septembre (le crash du satellite sur New York, pardon, New Rome est analogue) alors qu'elle n'en demeure que plus à propos aujourd'hui. Merci l'Histoire de se répéter. Était-il judicieux de transposer cet univers antique de nos jours plutôt que de l'adapter (les noms, certaines tenues, les jeux du cirque, etc.) comme Apocalypse Now updatait Conrad au Vietnam? Le parti-pris kitsch et satirique n'est pas des plus finauds mais ce n'est pas foncièrement le problème du film. Cette approche donne lieu à une direction artistique séduisante, entre architecture romaine et art déco en passant par des visions d'une cité utopiques mi-flore mi-Frank Gehry, à l'image du film qui a un pied dans le passé épique et un œil vers un futur de science-fiction. Parce que ce n'est pas qu'un film d'anticipation ni une uchronie, c'est aussi un film avec des matériaux imaginaires (le Mégalon!) et où le personnage principal a le pouvoir d'arrêter le temps. Mais plus encore que dans L'Homme sans âge, ce n'est pas un pouvoir utilisé pour quoi que ce soit de concret, ce n'est que l'illustration d'une notion, du pouvoir et de la peur de l'artiste vis-à-vis du temps.

Megalopolis est comme ça, à charrier les idées en pagaille, mais peinant à les incarner, se résolvant souvent à les discuter dans des séquences bavardes et pour n'en dire finalement...que des banalités? Sur la création, la cupidité, le pouvoir... Enfin surtout des banalités mal formulées et évidentes. Où est la nuance? Où est la complexité? Où est l'humanité? À ne jouer que sur des grandes figures - Le Maire, L'Architecte, Le Cupide - Coppola peine à insuffler de la vie à ses archétypes, et ce malgré des sous-intrigues (cf. toute la trame pas cuite sur la mort suspecte de la femme de Catalina). Le personnage de Julia, fille du maire et amante de l'architecte, aurait été un protagoniste idéal pour explorer les facettes et les attraits de ces deux hommes mais il n'est pas intéressant et la performance de Nathalie Emmanuel, sans être mauvaise, n'a ni relief ni profondeur. Et pourtant, par moments, quelque chose se passe, le film s'anime, par le simple pouvoir des images, même grossières, comme cette virée nocturne muette où les statues géantes de la ville s'abattent, ou bien lors du segment prolongé aux jeux du cirque, avec même un numéro musical! C'est fat mais au moins ça prend, ça stimule. Enfin l'ampleur du projet s'apprécie à sa juste mesure, par fulgurances grandiloquentes, ou quand il se concentre autour du personnage interprété par Shia LaBeouf, avec son look pas possible mais avec un vrai désir palpable même si conventionnel (globalement être calife à la place du calife). Mais bon, Fredo est bien loin...

Évoquant tour à tour Le Parrain, pour sa lutte au sein d'une grande famille, Coup de cœur pour son exubérance formelle appliquée à des archétypes, Tucker, pour son ode aux créateurs en proie au capitalisme, et L'Homme sans âge, pour le principe d'un homme luttant contre le temps afin de mener à terme le projet d'une vie, Megalopolis fait office de film-somme...mais s'avère inférieur à la somme de ses parties disjointes.

par Robert Hospyan

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