Matrix Revolutions
États-Unis, 2003
De Andy Wachowski, Lana Wachowski
Scénario : Andy Wachowski, Lana Wachowski
Avec : Monica Bellucci, Laurence Fishburne, Carrie-Anne Moss, Keanu Reeves, Hugo Weaving, Lambert Wilson
Durée : 2h08
Sortie : 05/11/2003
Les machines vont atteindre Zion. Le peuple du monde réel devra se battre jusqu'au bout pour défendre la ville tandis que Neo cherche le moyen de sauver le monde humain...
THIS IS THE END
Si seulement les frères Wachowski n’avaient pas cédé à l’obligation, apparemment à la mode, de faire une trilogie. Si seulement ils avaient fait du deuxième et troisième volets un seul et même épisode, concis, complet. Ils auraient probablement atteint un niveau proche du premier. C’est la première chose qui vient à l’esprit à la sortie de la salle. Matrix Revolutions, c’est tout d’abord 2h07 presque entièrement consacrées à l'action. Certes, il s'agit de l'ultime volume d'une saga qui relate l'histoire d'une guerre, cependant, le tout demeure un tant soit peu insatisfaisant. A la sortie du précédent opus, on pouvait entendre, dans le camp des défenseurs, qu’il s’agissait d’un demi-film, qu’on ne pouvait le juger sans avoir vu la suite. L’argument s’avère on ne peut plus vrai. Malheureusement, c’est peut-être le défaut majeur du film. Après un second tome pour le moins déconcertant, l’épisode concluant de la saga Matrix relève le niveau sans atteindre le génie du chapitre premier.
LA FIN JUSTIFIE LES MOYENS
Gigantesque champ de bataille avant tout, Matrix Revolutions s’impose comme un monument du film d’action. A ce niveau-là, rien à redire. Contrairement à son prédécesseur, les scènes en question ne paraissent plus gratuites et dénuées d’enjeux, comme imposées par un cahier des charges. Loin de la prétention d’autrefois, elles servent réellement l’histoire et le film, au sein d’une structure évoquant fortement le premier Matrix. On assiste donc à des visions apocalyptiques dignes de l’attaque du Gouffre de Helm dans Le Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours ou encore le rêve d’un défilé d’exosquelettes tueurs dans Terminator 3. Des robots géants, pilotés par des soldats, tout droit sortis de Patlabor, tirent par rafales sur des flots interminables de sentinelles. Dans un ultime face à face, Neo et Smith s’envolent, tels des personnages de Dragon Ball Z, pour se battre partout, dans les airs, sur terre… L’ampleur des séquences dépasse tout ce qui a pu être vu dans ce domaine dans les deux premiers épisodes. Les évènements le permettant, c’est probablement le plus impressionnant des trois films. Plus encore, les réalisateurs se sont surpassés en ce qui concerne la forme. Visuellement, on est à des kilomètres des maladresses de Matrix Reloaded. Fini les effets numériques trop voyants et les délires comme ce mémorable travelling avant sur l’entrecuisse d’une demoiselle composée de code matriciel. L’aspect "OVNI" et pas toujours homogène du précédent laisse place à une charte graphique sombre, placée sous le signe de la détresse. La guerre contre les machines fait rage dans un monde au ciel obscurci, noir et embrasé par les flammes, tandis que Neo mène son combat contre son némesis en pleine nuit, sous la pluie.
Le premier épisode se passait en majorité dans la matrice. Le second prenait place entre les deux mondes. Le dernier chapitre se situe presque exclusivement dans le monde réel. Qui plus est, il s’étend sur une durée d’une nuit environ, le film baignant ainsi dans une atmosphère noire. A l’instar des spectateurs déçus en mai, pour les personnages, c’est la tentative de la dernière chance. Permettant aux auteurs quelques très belles scènes, autres que celles où ne figurent que fusillades et coups de poings, cette sensation de fin imminente traverse l’œuvre et accouche de moments assez émouvants. Les premières critiques annonçaient un développement des personnages statique, délaissé au profit de l’adrénaline pure. Si cela se confirme pour les personnages secondaires, actifs dans l’affrontement contre les machines mais dans l’expectative des exploits de leur sauveur, les principaux protagonistes, Neo, Trinity et Smith, bénéficient d’une évolution intéressante, enrichissant considérablement leur parcours. La complémentarité avec la première séquelle de Matrix s’en retrouve renforcée. Tout comme le sentiment qu’il s’agit d’une seule et même histoire divisée en deux films qui témoignent chacun d’un manque.
THE END IS THE BEGINNING IS THE END
Matrix Reloaded contient beaucoup d’idées là où Matrix Revolutions est composé de beaucoup d’action. A trop se battre, on ne communique plus. Pressés par le temps, les personnages vont droit au but, rectifiant le tir concernant l’autre grande erreur du deuxième opus. Du coup, on nous épargne les discours interminables et sur-compliqués d’autrefois, mais l'on perd également en dialogues. Très vite, l’ouvrage ressemble à un immense banquet final, un dénouement en grandes pompes, mais qui occupe quand même la quasi-globalité du long métrage. L’argument du demi-film qui prendrait tout son sens une fois lié à sa moitié ne s’apparente plus à une vulgaire excuse contre les détracteurs mais bel et bien à une vérité à la fois déplorable et satisfaisante. Tournés en même temps, les deux suites forment un tout, une même histoire, perpétuant et achevant l’univers imaginé par les frères Wachowski. Une trilogie entamée par un petit chef d’œuvre qui se termine sur un diptyque bancal mais qui demeure une entreprise plus ou moins unique dans le paysage cinématographique actuel. Il se range ainsi aux côtés des guerres des étoiles, quêtes de l’anneau et autres aventures d’apprenti sorcier, autant de films-mondes dont la densité n’a d’égal que la légende qu’ils composent.