Matrix Reloaded
The Matrix Reloaded
États-Unis, 2003
De Andy Wachowski, Lana Wachowski
Scénario : Andy Wachowski, Lana Wachowski
Avec : Laurence Fishburne, Carrie-Anne Moss, Keanu Reeves, Hugo Weaving
Durée : 2h18
Sortie : 14/05/2003
Dans le monde réel, les machines ont commencé à creuser afin d'atteindre Zion, la dernière ville libre pour les humains. Neo, Morpheus et Trinity ont 72 heures pour y remédier.
Libérez votre esprit. Ces quelques mots illustraient l'une des premières affiches du film. A l'issue de la première vision de Matrix Reloaded, on voudrait bien. On voudrait comprendre. Comprendre la plupart des choix, pour le moins déconcertants, des frères Wachowski. Ceux-là même qui nous avaient épatés voici quatre ans avec un film qu'on considérait non sans raison comme l'équivalent de La Guerre des étoiles pour la nouvelle génération. A l'instar du film de George Lucas, le premier volet parvenait, sans rien inventer véritablement, à mêler différentes cultures. Se croisaient alors le comic book, le manga, la japanimation, les jeux vidéos, les films asiatiques ou encore la littérature de science-fiction occidentale et les préceptes religieux et mythologiques sans oublier les textes de Joseph Campbell, dans une mixture homogène et magnifiée par une mise en scène virtuose et parfois même novatrice. C'était le défi, alors remporté. Aujourd'hui, les auteurs cherchent toujours à repousser leurs limites mais sont sujets à plusieurs maladresses. On reste alors incrédules et on demande encore à comprendre.
La comparaison est un art plutôt faible. Néanmoins, on ne peut que se remémorer la brillance du premier devant l'échec partiel du second. En une heure, les Wachowski nous apprenait à travers Morpheus tout ce que nous devions savoir sur la Matrice afin de comprendre les bases même de l'univers déployé devant nos yeux. Le monde, les personnages et les enjeux étaient cernés de façon intelligente, et surtout intelligible, laissant ensuite place à l'action et au dénouement premier, autrement dit sa fin ouverte vers ce deuxième opus. Après une introduction sombre et intrigante, nous pénétrons dans le monde réel et la première réussite du film est de situer ce début ici même. On se rend compte alors des nouveaux enjeux: le discours renégat prononcé par notre héros en conclusion du précédent épisode se retrouve confronté à la triste réalité. La vision du microcosme ouvrier et déchu de Zion, la dernière ville libre, sa structure et son peuple, enrichissent notre connaissance de la création des Wachowski. Ce premier pari gagné sera le principal triomphe du film: au travers de nouvelles données concernant la Matrice, sa nature et son fonctionnement, le film approfondit notablement l'œuvre auparavant entamée. Le problème vient de la manière dont nous sont dispensées ces informations. Tantôt faussement métaphysiques, tantôt juste pompeux, les faits nous sont constamment transmis dans un charabia dérivé du langage informatique. Les explications paraissent alors avoir été délibérément enrobés sous une forme a priori compliquée, mais n'expriment finalement rien qui n'aurait pu être dit plus simplement. La situation initiale fournit déjà un sens et une importance à tout ce qui se passe dans l'histoire, mais les scénaristes ressentent quand même le besoin d'alourdir leurs explications. Chaque monologue est à la fois démonstratif et confu. Les dialogues se situent tout juste au-dessus.
En fait, le film dégage une certaine prétention. Comme si les choses ne pouvaient plus être dites clairement. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? Il semblerait que les Wachowski se soient fixé la barre trop haut. Les innovations visuelles de Matrix coupaient le souffle, ici elles s'avèrent presque être de simples poses, un peu à l'image de tous les blockbusters qui ont suivi et ont allègrement repris certaines idées. L'esthétique de Matrix Reloaded reste sublime et à tomber. Mais assure-t-elle réellement une autre fonction? Devant les scènes d'action de ce deuxième tome, on a du mal à trouver une justification à la majorité de celles-ci. Là où celles des premières aventures de l'équipe paraissaient naître d'une nécessité, elles apparaissent ici comme une obligation. Plus ou moins gratuits, les combats de la première heure sont répétitifs et redondants par rapport au premier film. Neo sait maintenant tout faire, mais le spectateur a déjà tout vu. La déjà célèbre bataille du protagoniste contre les innombrables agents Smith, que nous vantait Joel Silver dès 2000, n'impressionne finalement pas tant que la bande-annonce le suggérait. Quoique divertissante, elle tire en longueur. Néanmoins, le script gère très bien les pouvoirs illimités du personnage, pari imposé à cette séquelle, et la manière dont Neo s'en sert. Intervient alors le morceau de bravoure, au centre du métrage, que compose la séquence sur l'autoroute, réponse à l'anthologique fusillade du premier film. En intégrant de nouvelles idées (adversaires qui vont de voiture en voiture) et de nouveaux terrains de jeux (duel sur le toit d'un semi-remorque), les réalisateurs se lancent encore une fois un nouveau défi. Challenge remporté.
Plongeant encore plus profondément dans une conception proche du jeu vidéo et de ses ficelles, cette suite est un objet à la fois séduisant et rebutant. Devant la perfection du premier, elle ne pouvait que souffrir mais on ne s'attendait pas à tant de malheur. Les maladresses d'une structure bizarrement basique (ça parle, ça tape, ça parle, ça tape) et les défauts du développement (personnages inutiles et/ou sous-traités, longueur inappropriée des explications), le tout dû à un scénario plutôt mal foutu, font de Matrix Reloaded une indéniable déception. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un ratage mais d'un revers de médaille malheureux. Et pourtant, après le To be concluded, on attend jusqu'à la fin du générique, pour voir la bande-annonce du troisième et dernier chapitre, avec à nouveau l'espoir de jours meilleurs. Le défi est lancé.