Masaan

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Masaan
Inde, 2015
De Neeraj Ghaywan
Durée : 2h00
Sortie : 24/06/2015
Note FilmDeCulte : ****--
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Bénarès, la cité sainte au bord du Gange, punit cruellement ceux qui jouent avec les traditions morales. Deepak, un jeune homme issu des quartiers pauvres, tombe éperdument amoureux d'une jeune fille qui n’est pas de la même caste que lui. Devi, une étudiante à la dérive, vit torturée par un sentiment de culpabilité suite à la disparition de son premier amant. Pathak, père de Devi, victime de la corruption policière, perd son sens moral pour de l’argent, et Jhonta, un jeune garçon, cherche une famille. Des personnages en quête d'un avenir meilleur, écartelés entre le tourbillon de la modernité et la fidélité aux traditions, dont les parcours vont bientôt se croiser…

LA CITE DES ENFANTS PERDUS

Du cinéma indien, on connait surtout chez nous deux aspects opposés comme des pôles : d’un côté le cinéma de divertissement chanté et dansé, et de l’autre la nouvelle vague de films noirs. Le reste de la filmographie du pays, pourtant le plus gros producteur cinématographique au monde, demeure encore rare sur nos écrans. A nos yeux occidentaux, Masaan frappe dans un premier temps par son intérêt documentaire. Car le film nous montre un visage de l’Inde rarement vu sur nos écrans : le quotidien de membres de différents groupes sociaux, filmé de manière ni misérabiliste ni superficielle. Sans viser la mosaïque artificielle du film chorale, Masaan parvient à entremêler habilement deux histoires différentes. Celle d’un jeune homme tombant amoureux d’une fille d’une caste supérieure, et celle d’un père prêt à tout pour sauver sa fille d’un scandale sexuel… sauf à lui pardonner d’avoir couché. Grâce à cette fluidité narrative, Masaan fait du cinéma.

Ce n’est pas un hasard si le film se déroule à Varanasi (anciennement Bénarès). Dans cette citée sacrée où l’on vient se purifier moralement mais où l’on vient surtout mourir au bord du Gange, certains quartiers sont interdits d’accès aux femmes. C’est là le fil rouge le plus intéressant de Masaan : la place faite aux femmes dans un pays où le nombre de viols par jour continue d’augmenter, dans des familles où le paternalisme fait office de loi, dans une filmographie qui leur réserve en général des rôles de charmantes potiches. Les protagonistes de chaque histoire se retrouvent chacun dans une impasse morale à cause des règles et des lois dictées par leurs ainés. Un père, la police, ou tout simplement des traditions ancestrales peuvent avoir un poids qui fait voler les vies en éclat. A un apprenti fossoyeur, on explique d’ailleurs que les crânes doivent exploser pour que l’âme puisse s’échapper.

Pendant que les cadavres brûlent sur les rives du fleuve sacré, les vivants passent l’épreuve du feu. Or (et on ne l’avait pas forcément vu venir), Masaan fait du vrai, bon cinéma en trouvant un ton propre et bien particulier : un ton à la fois bienveillant et sombre. Comme un espoir amer dans la possibilité d’une société machiste à évoluer. Ce n’est pas pour rien que pour les protagonistes, le chemin vers un avenir meilleur passe par la connaissance et l’apprentissage, pour les hommes comme pour les femmes. Un dénouement à l’image du film, à la fois ambitieux et émouvant.

par Gregory Coutaut

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