Marty Supreme
États-Unis, 2025
De Joshua Safdie
Scénario : Joshua Safdie
Avec : Gwyneth Paltrow
Photo : Darius Khondji
Durée : 2h29
Sortie : 18/02/2026






Marty Mauser, un jeune homme à l’ambition démesurée, est prêt à tout pour réaliser son rêve et prouver au monde entier que rien ne lui est impossible.
FOREVER YOUNG
Quand, après une longue carrière fructueuse, les frères Coen ont choisi de tourner chacun un film en solo, le gouffre entre le The Tragedy of Macbeth de l'un et le Drive-Away Dolls de l'autre était aussi bien stylistique que qualitatif et il était facile de dire qu'on savait désormais qui avait le talent. L’œuvre des frères Safdie n'est pas aussi conséquente mais il est intéressant de voir comme leurs films solo à chacun, sortant la même année, partagent des points communs très précis - deux simili-biopics sportifs (où le Japon tient une place importante) - mais une approche radicalement différente (ici, ce n'est d'ailleurs que très vaguement inspiré de la personne réelle) et c'est le film de Josh qui a été rapproché de leurs deux précédents, Good Time et Uncut Gems...et qui s'avère le plus réussi des deux. En effet, c'est cette même énergie qui parcourt tout Marty Supreme, faisant passer ses 2h29 comme une balle (de ping pong, lol) mais cette fois, cette fièvre est au service d'un propos. En un sens, Marty Supreme c'est un Uncut Gems qui raconterait quelque chose.
Pendant près d'une heure, on ne saisit pas trop les rapprochements avec les films susmentionnés, parce que le premier tiers s'inscrit dans une sorte de prise en cours de route d'un rise and fall, et non dans ce genre fatiguant du protagoniste qui s'enfonce bêtement dans une spirale d'emmerdes en enchaînant les mauvaises décisions. Mais le film est déjà galvanisant. Entre le grain de la pellicule qui capture la vivacité urbaine d'un New York infernal (superbe travail de Darius Khondji, évidemment), ses émanations de vapeur dans les rues, et la BO aux sonorités synthé de Daniel Lopatin (aka Oneohtrix Point Never) quand ce ne sont pas des morceaux allant du post-punk de Public Image à à la new wave de Tears for Fears, on a l'impression de regarder un character study '70s avec l'énergie d'un Scorsese ou d'un Cimino des années 80 mais sans jamais que cela ne ressemble à de l'imitation comme un Joker ni à une sorte d'exercice référencé fier de son anachronisme pop (ça se passe en 1952). Le film est parfaitement bien dans sa peau. Il sait exactement ce qu'il est et ce qu'il fait. A l'image de son personnage.
Dès le départ, Timothée Chalamet, dans son meilleur rôle à ce jour, porte le film en incarnant à merveille ce petit con arrogant persuadé de son talent et de sa réussite, parvenant à transcender une caractérisation qui devrait en faire un mec imbuvable pour le rendre attachant ou du moins pour le comprendre. On le suit comme si c'était Frank Abagnale dans Catch Me If You Can. Tant et si bien que lorsque le film bascule finalement dans une série de péripéties renvoyant en effet à Good Time et à Uncut Gems, en lieu et place d'un montage d'entraînement avant le comeback, il est plus facile d'avoir de l'empathie. Par ailleurs, l'écriture appuie son sens de la ressource plutôt que des choix clairement pourris et surtout, tout se fait au service d'une ambition et d'une passion sincère et non par simple appât du gain addictif d'un parieur patenté.
Et c'est tout le propos du film, qui résonne comme une célébration de l'égoïsme de la jeunesse. Le mot est sans doute trop fort parce que le portrait est sans fard et conscient des abus du jeune homme. C'est à la fois une critique de cette façon de réussir en enfonçant les autres et en même temps une démonstration de l'efficacité solipsiste du petit spermatozoïde qui va percer. On n'est pas dans une leçon d'humilité téléphonée classique. C'est en filigrane la peinture de la génération des immigrés juifs d'après-guerre, en lutte contre le monde entier, du genre qui s'octroie la réalisation des pyramides et relate les astuces d'un rescapé des camps comme s'il aspirait au même degré de mythification, mais le regard est compréhensif envers ce moins que rien qui exploite son entourage afin qu'ils l'aident à "make the most of freedom and of pleasure" parce que "nothing ever lasts forever" comme le dit la chanson. Un jour il faudra passer à l'âge adulte et assumer ses responsabilités mais peut-on devenir l'homme que l'on aspire à être avant ça?






