Marina Abramovic: The Artist Is Present

Marina Abramovic: The Artist Is Present
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Marina Abramovic: The Artist Is Present
États-Unis, 2012
De Matthew Akers
Durée : 1h46
Sortie : 12/12/2012
Note FilmDeCulte : ***---
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Ce documentaire revient sur un événement majeur de la vie de l’artiste serbe Marina Abramovic : la préparation de la rétrospective de son travail organisée par le Musée d’Art moderne de NewYork (MoMA).

LE TROISIEME ŒIL

Ce documentaire revient sur la performance de l’artiste serbe Marina Abramovic intitulée The Artist Is Present réalisée au Moma en 2010. Pendant plusieurs mois, l’artiste est restée assise sur une chaise, face à une autre chaise vide sur laquelle les spectateurs étaient invités à s’asseoir un à un pour un dialogue muet et statique. Œuvre hors-norme au retentissement médiatique rare (quelle autre œuvre d’art internationalement connue et créée ces trois dernières années pouvez-vous citer ?), point d’orgue d’une carrière dédiée aux performances extrêmes. Qui dit œuvre exceptionnelle dit automatiquement documentaire exceptionnel ? C’est plutôt l’inverse : le film de Matthew Akers s’installe très vite sur les rails du documentaire biographique classique. Bien que le film et l’œuvre en question partagent le même titre, il faut attendre la deuxième moitié du long-métrage pour que celle-ci devienne le vrai centre d’intérêt. L’autre moitié revient sur la carrière d’Abramovic. L’occasion pour cette dernière et d’autres intervenants de délivrer certains énoncés qui sonneront comme des évidences pour qui s’y connait en art (la différence entre performance artistique et performance théâtrale par exemple), ou comme des révélations pour d’autres.

Si le propos n’est jamais inintéressant, le point de vue du réalisateur sur tout cela est lui assez difficile à deviner, tant le film dans son ensemble se révèle sans grand intérêt cinématographique, sans idée particulière de mise en scène. C’est tellement peu personnel qu’on se croirait parfois devant un reportage télévisé, avec musique de fond omniprésente et obligatoire. Un documentaire inintéressant qui parle de choses pourtant fascinantes. Paradoxe. Au moment de filmer la performance en question, Matthew Akers se heurte à un autre problème, quasi-inévitable : l’impossibilité (ou disons plutôt le pari fou) de filmer à la fois une œuvre d’art et le regard que les spectateurs posent dessus. Or une œuvre n’existe que dans sa relation intime avec celui ou celle qui la regarde, l’appréhende. C’est à fortiori encore plus le cas ici, où chaque spectateur fait partie intégrante de la performance. Le troisième œil (la caméra) ne trouve pas sa place dans cette relation. Il y a notamment un plan maladroit où le caméraman vient se placer en face d’Abramovic, qui « nous » regarde alors dans yeux : instant représentatif de ce triangle artificiel où l’on ne peut pas être à la fois acteur et spectateur.

Mais le meilleur est gardé pour la fin. Ironiquement, et malgré son titre, c’est bel et bien quand Abramovic s’absente que le documentaire émeut enfin, quand il se concentre plus sur l’œuvre que l’artiste. S’il ne peut pas par définition montrer l’invisible (ce qui se trame et se crée dans cet échange silencieux), il parvient par contre à retranscrire l’effet ressenti par ces spectateurs silencieux : des gens tout ce qu’il y a de plus normaux abasourdis par la puissance de cet échange, qui s’effondrent en larmes, s’évanouissent, des gamins se retrouvant complètement bouleversés… C’est là que, mine de rien, le film parvient à parler de quelque chose que l’on voit rarement au cinéma : le rapport du public à l’Art. Comment une œuvre d’art peut bouleverser des gens au point que certains reviennent faire la queue tous les jours pendant des semaines, que certains font le pied de grue pendant 20 heures d’affilée et campent devant l’entrée du musée. Pas tant pour pouvoir intégrer l’œuvre en question que pour pouvoir ressentir cette émotion indescriptible que seul l’art dans ce qu’il a des plus immatériel peut évoquer. Face aux clichés que l’on entend encore et toujours sur un art contemporain qui serait aussi abscons qu’inaccessible, ce documentaire fait sur ce point un bien fou.

par Gregory Coutaut

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