Manchester by the Sea

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Manchester by the Sea
États-Unis, 2016
Durée : 2h15
Sortie : 14/12/2016
Note FilmDeCulte : *****-
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Lee Chandler est gardien d'immeuble à Boston. Il apprend un jour le décès de son frère, et doit retourner dans son ancienne ville de Manchester-by-the-Sea...

SECRET HEART

Kenneth Lonergan, avec ses trois longs métrages disséminés en seize ans, a tout du cinéaste-culte. Après le contentieux artistique qui a enlisé pendant six ans son précédent film, le malade et flamboyant Margaret, le dramaturge passé réalisateur revient auréolé d’une hype sundancienne. En apparence, le film a tout de l’indie de festivals. Mais de Sundance, Manchester by the Sea n’a que le nom sur l’affiche, et encore. C’est en fait une chronique sourde, un film secret, qui promet une catharsis facile mais ne la livre jamais. Lonergan a un tel talent pour prendre le quotidien, l’ordinaire, et le faire vivre de la plus humble et incarnée des façons, qu’il transforme son film au pitch quelconque en un tourbillon silencieux d’émotion, où tout reste en creux, tellement profondément vécu et incarné que la moindre pointe d’émotion visible en devient dévastatrice. Casey Affleck – qui remplace Matt Damon – sert de vecteur mutique à ce voyage émotionnel, livrant une performance intense et rentrée, jamais show-offy, faisant exister dans tous ses paradoxes un homme que le deuil a éteint.

Mais en dépit de son cadre hivernal, de sa pudeur, et de son portrait d’une ville sous cloche (on pense souvent à The Sweet Hereafter), Manchester by the Sea s’avère étonnamment drôle. La finesse du regard de Lonergan embrasse l’absurdité de chaque situation, s’attardant sur des moments gênants, des instants d’embarras, des ruptures tonales entre le sublime et le médiocre, le petit détail réaliste qui vient parasiter le mélo, ou la discussion à contretemps sur Star Trek au sortir d’un enterrement. Dans sa narration, le film ose une structure étrange, un montage volontiers hoquetant. L’irruption inopinée de flash-backs viennent contaminer le présent, comme lorsqu’un souvenir ressurgit au pire des moments. Le travail de montage de Jessica Lame, également monteuse des derniers Noah Baumbach, est fascinant. Elle tricote le présent avec le passé, et veille à constamment casser nos attentes, empêchant le film de se fixer sur une ligne tracée au préalable. Ces errements conduisent cependant au principal défaut du film, un léger flottement narratif dans la deuxième partie du métrage, auquel un re-montage post-Sundance aurait dû remédier.

A la fois fresque et miniature, le film fascine constamment. Le regard de Lonergan y est d’une telle acuité, d’une telle maturité, son refus des réponses trop faciles si fièrement affiché, qu’il élève son modeste portrait vers quelque chose de plus grand. En interview, le cinéaste déplorait ce diktat actuel du cinéma américain exigeant que rien ne soit laissé irrésolu. Et ceux qui n’arrivent pas à surmonter un drame, "why can’t they have a movie too?" Beau défi à se lancer. Et plus beau encore de le relever de la sorte, avec une telle nuance et une telle splendeur. Pour quelqu’un qui se prétend "not a real filmmaker", c’est plutôt pas mal…

par Liam Engle

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