La Maladie du sommeil

La Maladie du sommeil
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Maladie du sommeil (La)
Schlafkrankheit
Allemagne, 2011
De Ulrich Köhler
Scénario : Ulrich Köhler
Avec : Pierre Bokma, Jean-Christophe Folly, Hippolyte Girardot, Nathalie Richard
Photo : Patrick Orth
Durée : 1h31
Note FilmDeCulte : ******
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Au centre de ce drame se trouve Ebbo, un médecin, qui vit depuis presque 20 ans en Afrique avec sa femme Vera. Alors qu'Ebbo dirige un projet de lutte contre la maladie du sommeil, sa femme ne se sent plus à sa place sur le continent, surtout depuis que leur fille est retournée en Allemagne. Ebbo au contraire refuse de revenir dans son pays natal qui lui est devenu étranger.

WHITE AND BLACK BLUES

En seulement deux films (les remarquables Bungalow et Montag), l’Allemand Ulrich Köhler s’est imposé comme l’un des réalisateurs européens les plus passionnants, questionnant la perte de repères et d’identité à travers des récits de fuites en avant où le quotidien le plus âpre était bousculé par une inquiétante étrangeté. Son nouveau film, ours d’argent à Berlin, continue dans la même veine avec une ambition encore plus grande. Il y est question d’une torpeur, d’une « maladie du sommeil » qui est à la fois celle des Européens implantés en Afrique, incapable de se défaire entièrement de leurs réflexes colonialistes, et celle de l’Afrique elle-même, coincée dans ses désirs d’évolution. La maitrise scénaristique de Köhler saute une fois de plus aux yeux, car jamais il n’aborde ses thèmes avec didactisme ou condescendance. Comme dans ces précédents long-métrages, il pose les questions sans donner d’explications ou prétendre connaître les réponses. Et surtout, on est ici très loin du film-à-thèse convenu. Le discours a beau être politique, le film dans son ensemble est tout simplement inclassable, bien plus audacieux qu’il n’y parait.

Là où on n’attendait pas le réalisateur, c’est d’abord sur le terrain de la légèreté. En effet, La Maladie du sommeil est souvent drôle. Là encore, sans condescendance, mais dans la manière un peu stupéfaite que chacun des protagonistes a de s’accommoder ou découvrir un continent parfois récalcitrant. L’humour n’était pas jusqu’ici la qualité la plus flagrante de la nouvelle génération de cinéastes allemands, hormis peut-être dans le remarqué Everyone Else, réalisé par Maren Ade (l’épouse du réalisateur), qui est justement productrice du long-métrage. Passé cette première surprise, le film n’en finit pourtant pas de partir dans les directions les plus surprenantes. Par exemple en se permettant d’abandonner son récit en court de route pour en entamer un nouveau, en réussissant à changer de personnage principal sans se perdre en chemin.

Mais ceux qui se rappellent du plan-séquence final de Bungalow savent que Köhler n’est pas qu’un scénariste hors pair, mais aussi un metteur en scène au talent rare. Devant sa caméra, la nature passe du stade apprivoisé à quelque chose de plus en plus fantasmagorique. Les plantes sont gigantesques, la jungle n’offre aucune trouée vers le ciel et la brume épaisse impose un silence inquiétant. Mine de rien, et sans jamais perdre son récit de vue, le film poursuit son chemin vers l’étrange et le merveilleux. Et, de la même manière que l’héroïne de Montag tombait de manière quasi surnaturelle sur un hôtel perdu en pleine forêt, cette étrangeté culmine dans une séquence nocturne aussi impressionnante qu’inattendue, où les légendes semblent un bref instant se concrétiser dans une jungle des origines tout droit sortie d’un film d’Apichatpong Weerasethakul.

Sur un sujet qui appelait à priori le sérieux, la documentation et l’authenticité, Köhler parvient à faire un film hors-normes qui respecte ces trois souhaits tout en étant divertissant (ce n’est pas un gros mot), et surtout en restant à la fois personnel et très audacieux, semblable à nul autre. Confirmant haut la main la singularité de son réalisateur, La Maladie du sommeil est l’un des meilleurs films européens de l’année. Parmi les nombreuses autres qualités du film, tourné majoritairement en français, on compte aussi un casting pas banal, où rayonnent Jean-Christophe Folly (vu chez Claire Denis) mais également Nathalie Richard. Cette dernière ne fait qu’une apparition furtive, mais elle confirme au passage qu’après Notre étrangère et Never Let Me Go, elle était décidément de tous les bons plans de 2011.

par Gregory Coutaut

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