Ma vie sans moi

Ma vie sans moi
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Ma vie sans moi
Mi vida sin mi
Espagne, 2003
De Isabel Coixet
Scénario : Isabel Coixet
Avec : Deborah Harry, Amanda Plummer, Sarah Polley, Mark Ruffalo, Scott Speedman, Leonor Watling
Durée : 1h46
Sortie : 24/12/2003
Note FilmDeCulte : *****-

Anne, 23 ans, apprend à la suite d’un bilan de santé qu’elle n’a plus que deux mois à vivre. Cette nouvelle est l’occasion pour la jeune femme de porter un nouveau regard sur sa vie, et sur celles qui continueront sans elle.

LA VIE EST BELLE

Anne est jeune, vit dans une caravane avec son mari et ses deux filles, fait le ménage le soir dans une Université, est en froid avec sa mère, ne voit plus son père depuis qu’il est en prison, et va mourir d’un cancer fulgurant en quelques semaines. Mais pourquoi donc vouloir s’infliger un tel festival de douleurs et de larmes, pourquoi traîner plus que de raison dans les nauséeux couloirs d’hôpital, se sentir enfermé entre les quatre murs d’une roulotte? Probablement parce qu’au-delà de ses habits trompeurs de mélo dépressif, Ma vie sans moi tinte discrètement du son de ce doux cliché: les ombres dévorantes de la mort sont l’occasion d’une ode à la vie. Dans ce qu’elle a de plus simple (un instant pour chérir ses petites filles avant qu’elles n’aillent à l’école) ou de plus pur (la ruissellement de la pluie ou la musique d’un doigt passé sur un verre), dans ce qu’elle a de plus déterminant aussi. Aux prises avec l’horreur sourde, le jeune mari est si beau, les filles si adorables, la mère a un cœur d’or même tapi derrière sa côte de maille, et il n’est nulle prison sur Terre, fac prise dans l’obscurité ou caravane exiguë. Voici donc l’astuce de Isabel Coixet, réalisatrice et scénariste: jouer de la réalité pour en ressentir la douceur, quitte à poser dessus un voile aux couleurs vives, et prétendre que le lit est un radeau.

LA JEUNE FILLE ET LA MORT

Plus qu’un film sur la longue et lente marche vers la mort, le film de Coixet s’en tient à son titre et parle avant tout de vie. De la vie actuelle d’abord, du dernier compte à rebours et des choses à accomplir avant de ne plus être. En faire une liste, essayer de s’y tenir, et avoir le sentiment que l’instant vécu vaut plus cher que le précédent. De la vie future ensuite, parce qu’après tout la vie ne s’arrête pas totalement, elle continue pour d’autres. Trouver une nouvelle femme pour l’ami, faire des cassettes que les filles écouteront à leur anniversaire. L’émotion de Ma vie sans moi ne se dégage pas de scènes lacrymales (d’ailleurs totalement occultées du film), mais de cette belle lutte pour la vie que l’on sait condamnée, comme un coup de crin final aussi éperdu que définitif. L’énergie du désespoir qui pousse à un état de grâce singulier, comme si le premier pas dans les limbes était déjà effectué, entre celle qui sait de quoi son avenir sera fait et ceux qui en ignorent encore les noires conclusions. Mais sur le visage de l’admirable Sarah Polley, il n’y a guère de faiblesse qui pointe au grand jour.

LA MORT VOUS VA SI BIEN

Outre la délicatesse des mots ou de l’œil de Isabel Coixet, l’une des grandes réussites de son film se situe dans ses personnages et dans leurs interprètes. Ils sont la chair profonde et indispensable au cœur de son odyssée humaine, les couleurs disparates du portrait. Et réunis dans une même excellence, du visage unique au contours tranchants de Debbie Harry, évadée à l’occasion de Blondie, aux hommes de la vie de Anne, interprétés par Scott Speedman et Mark Ruffalo (même si les segments réservés à ce dernier brisent quelque peu l’harmonie du film en faisant sortir l’héroïne de sa bulle). Au centre, il y a Sarah Polley, une actrice exceptionnelle dont le talent est d’imposer sa force par sa fragilité et son charisme par un simple regard. Une jeune Julianne Moore avec laquelle elle partage une même étrange sensualité, un jeu aussi limpide et éthérée. Ma vie sans moi ne révolutionne rien, mais joue simplement la bonne musique sur un terrain miné, comme un petit miracle anodin. Coixet ne surprend pas, si ce n’est par sa finesse et sa subtilité. Et longtemps reste ce regard de Sarah Polley, cornée brûlée par la réalité, vision acidulée d’un monde au travers d’un rideau multicolore. Juste avant que les yeux ne se ferment.

par Nicolas Bardot

En savoir plus

Quelques liens :

Partenaires