Festival de Gérardmer: The Lure
Srebrna et Zwota, deux sœurs sirènes, émergent d’un fleuve sombre et décident de se fondre parmi les humains. Travaillant comme danseuses dans une boîte de nuit, elles vont être confrontées à l’amour et à l’attrait du sang...
REGARDE BIEN LE MONDE QUI T'ENTOURE, DANS L’OCÉAN PARFUMÉ
Depuis sa présentation en début d'année à Sundance, The Lure a fait la tournée des festivals et y a collectionné les prix. Les arguments de ce premier long métrage signé par la Polonaise Agnieszka Smoczynska sont accrocheurs : il s'agit d'une comédie musicale sur des sirènes se déroulant quelque part en Pologne dans des 80s imaginaires. L'excellente surprise de The Lure est que rien de tout cela n'est un gimmick. The Lure n'est pas un film avec quelques pastilles musicales parodiques : c'est une vraie comédie musicale. Ses sirènes sont les héroïnes d'un vrai conte premier degré, et sont traitées comme telles - d'archétypales héroïnes fantastiques. Le faux-80s n'a rien d'une coquetterie fétichiste à la mode, au contraire : l'absence de contours nets accentue le charme vaporeux du récit.
Car, et ce n'est pas si fréquent pour un premier long, Agnieszka Smoczynska a suffisamment confiance en elle pour d'une part traiter vraiment de ce dont elle parle, sans malice ou afféterie. D'autre part, l'absence de contexte précis ou d'explications quant aux personnages nourrit la puissante dimension poétique et mystérieuse du long métrage qui fait sans cesse confiance au public et à son ressenti. La caméra de Smoczynska est très mobile, comme si elle racontait l'histoire de ces sirènes posée à la surface de l'eau, soumise à ses remous. Cette fluidité impressionniste se retrouve également au montage dont la logique est poétique plus que strictement narrative.
The Lure s'ouvre par une fresque dessinée. Mais derrière la fantaisie, derrière la relecture du conte d'Andersen se cache une expérience très personnelle (la mère de Smoczynska tenait un type voisin de night-club en vogue avant l'effondrement du régime communiste). Les sirènes sont ici l'expression d'un délicat récit d'apprentissage sur l'altérité, sur le corps, sur l'amour. Le chant des sirènes, personnages tragiques menacés de finir écume, envoûte et The Lure a les qualités qu'on espère pour tout premier film : de l'ambition et de la personnalité.