Luna Rossa

Luna Rossa
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Luna Rossa
Italie, 2004
De Antonio Capuano
Scénario : Antonio Capuano
Avec : Domenico Balsamo, Carlo Cecchi, Antonino Iuorio, Licia Maglietta, Angela Pagano, Toni Servillo
Durée : 1h52
Sortie : 25/02/2004
Note FilmDeCulte : ****--

La famille Cammararo est mafieuse, avec tout ce que cela sous-tend de trahisons, d’inceste, de meurtres et de patriarcat. Son histoire nous est contée sur le mode de la tragédie antique.

ANTIQUE EN TOC?

Qu’on la nomme camarro, pieuvre, "famille", la mafia est un vivier artistique riche. De la sublime et doyenne trilogie du Parrain aux sourires forcés de Mafia blues, en passant par le formidable renouveau télévisuel des Sopranos, ou la BD roublarde façon Spaghetti Brothers, la cosa nostra s’est imposée et s’impose encore aujourd’hui comme un infini puits d’inspirations - plus ou moins bonnes. Séduit par la matière mythologique de la pègre et l’inconscient collectif qui lui est rattaché, Antonio Capuano s’offre le luxe d’explorer un thème mille fois rebattu sous un angle neuf, celui de la tragédie antique. Note d’intention aussi engageante que présomptueuse, cette ambition se traduit sous plusieurs formes. Parfois voyantes et grossières - le jeune héros et narrateur off se nomme Oreste -, les ruses de Capuano savent aussi se faire autrement plus pertinentes. Ainsi, en appliquant une interprétation du mythe des Atrides, sur une voie sanguinaire proche d’Euripide et surtout de Sophocle (la passivité tragique d’Homère n’ayant aucunement sa place ici), Capuano parvient contre toute attente à donner corps à un fantasme d’auteur frisant a priori l’arrogance.

SOYEZ PAS CONS AVEC ORESTE

Certes, la mise en image statique et la photo banale de Tommaso Borgstrom n’est pas toujours suffisante à soutenir les envolées scénaristiques de folie et de raison, d’honneur et de droit, de responsabilité humaine et d’arbitraire divin. Mais, à l’usage, le vernis glacé de l’image se fissure et semble s’aligner logiquement sur une direction d’acteurs volontairement théâtrale et emphatique, allant jusqu’à évoquer dans le lointain l’étrange figure du Othon de Straub, et du "cinéma impur" conceptualisé par Bazin. En effet, de la même manière que chez Straub, l’inadéquation entre le théâtre et le cinéma s’expose chez Capuano avec ferveur. Bazin, encore, résumait les choses ainsi: "Ce n’est plus un sujet qu’on adapte, c’est une pièce qu’on met en scène par les moyens du cinéma". L’appréhension de Luna Rossa (même si ici le texte ne préexistait pas, dans les mêmes termes, au film), avec ses séquences fermées comme des scènes et sa dramaturgie forcée, se plie de fait aux mêmes difficultés, exigences et incompréhensions potentielles. Pourtant, se cantonner aux sentiment premier, à savoir le rejet, serait sans doute faire preuve d’un manque de persévérance qui, pour le coup, ne paye pas. "Soyez pas cons avec Othon!", criait à l’époque Marguerite Duras. Même s’il faut tempérer notre enthousiasme et se méfier d’un rapprochement par trop abusif (Luna Rossa est tout de même bien plus accessible que ne pouvait l’être l’ardu Othon), on serait bien tenté de reprendre la formule.

par Guillaume Massart

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