Berlinale: Los Angeles
Mexique, 2014
De Damian John Harper
Scénario : Damian John Harper
Durée : 1h37
Mateo, 16 ans, vit dans un petit village retiré au sud du Mexique. Il cherche à partir pour Los Angeles et pour cela il s'apprête à intégrer un gang qui lui fournira de l'aide. Mais pour être accepté, il devra enfreindre la loi.
HORIZON LOINTAIN
Face au pitch de ce premier film mexicain, il y a de quoi se croire en terrain familier. Combien de films venus du monde entier n'a-t-on pas déjà vus jouer la trame classique et pittoresque du personnage angélique corrompu par la violence des conventions de la société qui l'entoure? Pourtant tout dans Los Angeles semble inédit, comme si cette histoire nous était contée pour la première fois. Comme si elle était filmée pour la première fois. Car c'est tout d'abord la mise en scène de Damian John Harper qui place d'emblée son film au dessus du tout-venant. Rien ni personne dans Los Angeles n'est figé dans des posture scénaristiques doloristes, mais bout au contraire d'une vie contagieuse, où la tension n'exclue jamais la mélancolie. Cette violence a beau être au cœur des enjeux du scénario, elle est presque absente à l'écran. Los Angeles ne cherche ni à jouer les uppercuts ni à édulcorer la question. C'est au contraire l'ambiguïté de la situation de ses personnages qui intéresse Harper, et cela tombe bien, son film est rempli de nuances bienvenues.
L'ambivalence règne dans chaque scène, se retrouve derrière chaque histoire. L'influence des gangs gangrène la vie du village mais leur aide est souvent indispensable pour permettre aux jeunes d'aller gagner leur vie. L'oncle de Mateo revient d'un long séjour à Los Angeles, les poches pleines d'argent pour son village, mais on le renvoie en lui disant que tout allait mieux lorsqu'il était absent. Comme si d'un côté ou de l'autre de la frontière, il n'y avait pas de place idéale pour tous ces personnages en perte de repères. Los Angeles est perçue par les personnages (le titre original porte d'ailleurs un accent, comme cela s'écrit en espagnol) comme étant presque une partie de leur village, un passage obligé, mais n'est jamais montrée à l'écran. Comme si cet horizon était déjà inconsciemment appréhendé comme un mirage.
Le réalisateur sait de quoi il parle. Né aux États Unis, il est parti très jeune vivre dans une communauté mexicaine. Son film est, dit-il, le résultat de treize ans d'amitié, et les comédiens, amateurs, rejouent ici des situations proches de leur vécu. S'il suffisait d'avoir de bonnes intentions pour faire un bon film, le monde serait peuplé de chefs d'œuvre. Or ce sont avant tout de vraies qualités cinématographiques qui font de Los Angeles une aussi bonne surprise, qui le rendent plus authentique et passionnant que la moyenne. On raille souvent (à raison) les déclinaisons world de Rosetta, ces films qui se contentent de filmer un personnages bougon de dos faisant face à l'adversité, copies paresseuses du film des frères Dardenne. Ironiquement, Harper filme souvent ses personnages de dos, mais la différence ne trompe pas, on est ici en présence d'un vrai metteur en scène. Il faudrait montrer Los Angeles à tous ces autres réalisateurs sans idées (et à ceux qui sélectionnent leurs films en festival et les distribuent) pour leur montrer qu'avec suffisamment de talent on peut déjouer les clichés, et rendre une histoire archétypale aussi vivante.