Cannes 2015: La Loi du marché

Cannes 2015: La Loi du marché
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Loi du marché (La)
France, 2015
De Stéphane Brizé
Avec : Vincent Lindon
Durée : 1h32
Sortie : 19/05/2015
Note FilmDeCulte : ****--
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L’histoire de Thierry, qui à 51 ans, après 18 mois de chômage, commence un nouveau travail d’agent de sécurité dans un hypermarché. Il se retrouve bientôt face à un dilemme moral quand on lui demande d’espionner ses collègues.

CHACUN PENSE A SOI

La Loi du marché s'ouvre in media res, en plein milieu d'une discussion. "On ne fait pas n'importe quoi avec les gens, on les traite bien", rétorque péniblement Thierry (Vincent Lindon), lors d'un entretien au Pôle Emploi. A vrai dire, La Loi du marché aurait mille occasions de sombrer dans le pathos, dans le film-tract didactique où l'on s'indigne avant de voir débouler gentiment la tranquille libération du générique de fin. La principale surprise de La Loi du marché est de ne pas ressembler à ça du tout. On a pu avoir le sentiment, sur un film comme Mademoiselle Chambon, de voir un cinéaste tellement obsédé par la pudeur et l'humilité que celles-ci devenaient parfaitement artificielles et surjouées à l'écran. La Loi du marché ne surjoue rien, ou quasi-rien.

Thierry, la petite cinquantaine, a perdu son emploi dans des circonstances particulièrement injustes, et il est pris à la gorge. Ses stages ne mènent à rien, il doit finir de rembourser sa maison et s'occuper de son fils handicapé. Là encore, le pathos guette, mais Brizé l'évite assez habilement. A son niveau, le fiston est lui aussi confronté dès son plus jeune âge à des "filières sélectives". Il n'y a pas vraiment de personnages en noir & blanc dans La Loi du marché, des protagonistes qui veulent du mal pour simplifier les situations et bousculer les spectateurs. Mais le scénario émaille différentes humiliations quotidiennes que le héros doit avaler, jugé de manière absurde par d'autres candidats à un job ou questionné de façon maladroite par un futur employeur. Pour quel plan de futur ? La banque pense surtout à lui proposer une assurance décès.

Au-delà du portrait de Thierry, La Loi du marché fait aussi celui d'une société malade où l'on doit se méfier de tout le monde - dans les supermarchés, tout client est un voleur potentiel. Un basculement imprévu fait ressortir les lâchetés du quotidien. La Loi du marché a de nombreuses occasions de donner la leçon : le film ne le fera jamais. Il y a quelque chose de plus glaçant que prévu dans ce dénouement, dans le regard d'un Vincent Lindon impeccable, dans ces questionnements sur la dignité. Le traitement formel est efficace, même s'il manque souvent de personnalité dans le registre du cinéma social à caméra à l'épaule et gros plans sur des visages. Il y en a, pourtant, qui marquent, lorsque Thierry est isolé des autres et que la caméra se concentre sur lui. Dans ce registre, Brizé nous venge de tous les derniers Ken Loach caricaturaux chez qui le dialogue social est devenu un bête affrontement de gentils et de méchants comme dans Jimmy's Hall. La dernière réplique de La Loi du marché, loin des films qui ont la solution à tout, est "je sais pas"...

Le Palmomètre: Lors d'un palmarès tout-politique à la jury de Sean Penn, La Loi du marché aurait pu jouer les premiers rôles. Le film est fort, mais son relatif manque de personnalité formelle le prive peut-être des premières marches. Un prix du jury, du scénario, ou d'interprétation masculine sont tout à fait envisageables.

par Nicolas Bardot

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