Découvertes FilmDeCulte: Lipstick Under my Burkha
Inde, 2016
De Alankrita Shrivastava
Scénario : Alankrita Shrivastava
Durée : 1h57
Au cœur des ruelles bondées d’une petite ville de l’Inde, la vie secrète de quatre femmes à la recherche d’un peu de liberté. Bien que réprimées et piégées dans leur monde, elles revendiquent leurs désirs par de petits actes de courage...
LE RIRE EST MON REFUGE
Du rouge à lèvre sous ma burka, voilà un titre qui claque, comme un slogan féministe qui mélangerait rébellion et hédonisme. La réalisatrice Alankrita Shrivastava (lire notre entretien) fait le portrait de quatre personnages féminins d'âges et de situations différentes vivant dans le même quartier, et ayant pour point commun de vouloir s'affranchir de la tradition qui les étouffe: épouse travaillant dans le dos de son mari, étudiante voilée qui se parfume en cachette, dame respectueuse qui aimerait renouer avec sa sexualité... Entre ces femmes-là et leurs rêves: une société qui cherche sans cesse à les remettre à leur place. Avec un tel point de départ, Lipstick Under my Burkha aurait pu être un pamphlet coup-de-poing ou bien un drame doloriste en mode portrait-de-femme-digne, tel qu'il en sort plein sur nos écrans. Or, le film choisit une autre voie, moins évidente: celle de l'humour.
Lipstick Under my Burkha est une comédie qui parle de sujets graves et qui n'a pas peur de mélanger les registres. L'humour y est tantôt impertinent (lorsque la réalisatrice détourne les clichés des comédies romantiques indiennes), tantôt plus candide, lorsque l'aspect feuilletonesque de l'ensemble donne lieu à des rebondissements et des gags un peu telenovelesques. Ce va-et-vient entre gravité, bienveillance et farce n'est pas forcément la formule la plus équilibrée qui soit, mais elle fait la singularité de ce film qui n'a peur ni du kitsch ni des grands écarts, où la réalité la plus dure, telle que des scènes de violence conjugale, s'accompagne de vignettes cocasses, comme cette scène où une dame d'un certain âge passe des coups de fils anonymes érotiques. Une curieuse audace qui rappelle d'ailleurs celle d'une autre cinéaste: la Libanaise Nadine Labaki (Caramel, Et maintenant on va où?).
Bien qu'assumé, l'aspect comique de Lipstick Under my Burkha menace parfois de jouer en sa défaveur, en le rapprochant d'une comédie inoffensive. Mais qui connaît la société et le cinéma indien remarquera le culot discret de la réalisatrice. Dans l'une des premières scènes du film, un couple d'amoureux s'embrasse (sur la bouche). Un geste banal en apparence, mais tabou dans le cinéma indien. Le reste du film est à l'avenant: Lipstick Under my Burkha parle de sexualité féminine, de masturbation, de pornographie, sans en faire tout un plat, et le résultat demeure plus réservé que l'épisode le plus chaste de Sex and the City. Malgré cela, le comité de classification indien vient tout simplement d’interdire la sortie du film sur le territoire. Le premier motif cité dans leur communiqué officiel étant qu'il est trop Lady Oriented. Un outrage qui laisse amèrement songeur, et qui vient rappeler que le rire n'est pas forcément superficiel, il peut aussi être une arme de rébellion.