Layla

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Layla
Layla Fourie
Allemagne, 2013
De Pia Marais
Scénario : Pia Marais
Durée : 1h45
Sortie : 26/03/2014
Note FilmDeCulte : *****-
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Au coeur de l'Afrique du Sud, Layla, mère célibataire de 27 ans, vient d'être engagée dans une société spécialisée dans la détection de mensonges, située à plusieurs centaines de kilomètres de son domicile. Une nuit, alors qu'elle prend la route avec son jeune fils Kane, Layla heurte un homme en voiture. Un accident fatal, sous les yeux de l'enfant, à qui elle intime l'ordre de garder le silence, la fera soudainement sombrer dans la paranoïa, et la peur d'être démasquée. Layla est encore plus rongée par la culpabilité, lorsqu'elle comprend que Pienaar, un jeune homme serviable et charismatique, rencontré sur son lieu de travail, est le fils de l'homme accidenté...

LAYLA ELLE L’A

Qu’est ce qui fait un bon scénario ? Un récit passionnant ? Si cela n’était pas déjà suffisamment subjectif, on peut toujours remettre les points sur les i en rappelant qu’un scénario n’est pas une histoire. Une mécanique parfaite dans le déroulement de son récit ? Ce n’est qu’une technique parmi d’autres pour envisager sa trame narrative. Quid de la finesse scénaristique ? Ce n’est certes pas la qualité qui fait le plus piaffer d’impatience les spectateurs, surtout lorsqu’elle est volontairement discrète comme ici, mais c’est un atout non négligeable qui a déjà transcendé plus d’un film. Layla est exactement dans ce créneau.

Le film suit effectivement une trame fort classique, qu’on a a priori déjà vue déclinée dans tous les pays du monde : celle d’une mère courage seule face à l’adversité pour élever son enfant, et se retrouvant confrontée à l’injustice. Ca vous rappelle quelque chose ? Sur un tel canevas, Layla aurait pu chercher à être un grand mélo ou un suspens social brûlant. On imagine d’ici ce qu’aurait donné le film en version anglaise (plus pathétique) ou iranienne (plus symbolique). Or Layla est un film allemand, et ça veut dire beaucoup.

Certes tourné en Afrique du Sud en langue anglaise avec un casting international, le film conserve dans son écriture une qualité rare et typiquement allemande. Typique de cette génération « école de Berlin », même. Une économie , une intransigeance envers le réalisme (le réalisme allemand fout la honte à ce que l’on nomme réalisme partout ailleurs). Une façon de faire court, de se délester de tout effet de manche artificiel dans les dialogues ou la dramaturgie pour atteindre la force brute et sèche de chaque scène. Une aridité sur le papier qui ne se réduit pourtant pas à un exercice intellectuel. La modestie n’a jamais empêché l’émotion, et Layla est l’inverse d’un tire-larme, d’un de ces innombrables mama movies exotiques cités plus haut ou du « magnifique portrait de femme » (formule condescendante et pénible) prêts à digérer. Sous des apparences convenues, le film possède une exigence scénaristique surprenante qui ne sacrifie rien au spectaculaire.

On avait déjà repéré la jeune réalisatrice Pia Marais (lire notre entretien) avec son précédent long-métrage, le très curieux A l’âge d’Ellen (sorti il y a un an en France). Elle y racontait déjà le parcours d’un personnage féminin à la recherche de nouveaux repères. Layla semble à première vue moins fou et imprévisible que ce dernier, mais il n’est finalement pas beaucoup moins singulier. Car à y regarder de plus prêt, Pia Marais ne livre pas le « portrait de femme » attendu. A l’image de l’interprétation de l’actrice (largement dirigée dans ce sens, « à l’allemande » serait-on tenté de dire), l’héroïne apparait comme en creux dans sa propre histoire. Son visage reste impénétrable et aucune scène de débordement d’émotion ne viendra revendiquer en hurlant la dignité du personnage. Moins absente que secrète, son attitude n’est que le reflet paradoxal de la tension qui la dévore, à mesure que tout autour d’elle se transforme en détecteur de mensonge géant qu’elle doit bluffer à son tour. Le film est à son image, moins lisse qu’il n’y parait. Exigeant mais très stimulant pour qui souhaite lire entre les lignes, rempli de tension et de mystère.

par Gregory Coutaut

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