Laissez bronzer les cadavres

Laissez bronzer les cadavres
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Laissez bronzer les cadavres
Belgique, 2017
De Hélène Cattet, Bruno Forzani
Scénario : Hélène Cattet, Bruno Forzani
Durée : 1h30
Sortie : 18/10/2017
Note FilmDeCulte : *****-
  • Laissez bronzer les cadavres
  • Laissez bronzer les cadavres

La Méditerranée, l’été : une mer d’azur, un soleil de plomb… et 250 kilos d’or volés par Rhino et sa bande! Ils ont trouvé la planque idéale : un village abandonné, coupé de tout, investi par une artiste en manque d’inspiration. Hélas, quelques invités surprises et deux flics vont contrecarrer leur plan : ce lieu paradisiaque, autrefois théâtre d’orgies et de happenings sauvages, va se transformer en un véritable champ de bataille… impitoyable et hallucinatoire !

CA BRÛLE

Il n'y a pas forcément une foule de jeunes cinéastes dont on peut identifier le style en l'espace de trois plans. Les Belges Hélène Cattet et Bruno Forzani, repérés avec leurs deux premiers longs Amer et L’Étrange couleur des larmes de ton corps, font assurément partie de ceux-là. Leur nouveau film, Laissez bronzer les cadavres, est pourtant un changement de registre pour les cinéastes dont l'influence se déplace du giallo au western et au poliziottesco. La grammaire, elle, est assez voisine: cette histoire de kilos d'or, de courses-poursuites et d'affrontements à coups de gros calibres se repose sur un découpage acrobatique et propose une nouvelle expérience sensorielle. Forzani, que nous avions rencontré pour L’Étrange couleur des larmes de ton corps, nous avait parlé de l'influence de Satoshi Kon en ce qui concerne le jeu sur la limite entre rêve et réalité. Il n'y a pas spécialement de trace de Kon dans ce nouveau film, mais ce jeu-là est à nouveau très stimulant, poussé vers une sorte de paroxysme : il y a quelque chose de très réel et concret dans les vieilles pierres du village corse de Laissez bronzer les cadavres, dans ses gueules et dans ses flingues. Pourtant, la dimension onirique est toujours là, et c'est notamment ce dialogue qui rend Laissez bronzer les cadavres si singulier.

Laissez bronzer les cadavres débute à toute berzingue. La moindre flamme échappée d'un Zippo crépite comme un grand feu, les impacts de balles explosent comme des gerbes de peinture - et les gants de cuir continuent de crisser délicieusement. Le cinéma de Cattet et Forzani est une expérience des sens dans un océan de films qui passent, eux, leur temps à dire ce que le spectateur doit ressentir. Le film fourmille d'idées visuelles et parvient même en un plan à rendre cinégénique un morceau de barbaque. Laissez bronzer les cadavres est souvent stupéfiant de beauté, de ses songes dorés au bleu de ses nuits américaines. "Le style est la substance" nous déclarait l'Américaine Anna Biller au sujet de son film The Love Witch l'an passé. C'est une dimension qui est souvent méprisée (combien de fois la beauté formelle de nombreux longs métrages se retrouve disqualifiée parce que le récit ne prend pas assez le spectateur par la main ?) mais pourtant, "Le style est la substance" est un commentaire qui s'applique entièrement aux films de Cattet et Forzani, où la mise en scène rend le polar plus poisseux, le mystère plus fascinant, le ride plus fun.

L'autre acrobatie de Laissez bronzer les cadavres est, par sa construction, de jouer sur la perte de repères... tout en ne perdant jamais le spectateur. Le film est plus narratif, moins labyrinthique que leurs précédents longs métrages. Il y a ici une maîtrise narrative d'autant plus impressionnante que les instruments ne sont pas les plus évidents. Et il y a une générosité : cette envie magnifique qui donne le sentiment qu'un plan sans idée visuelle est un plan de perdu.

par Nicolas Bardot

Commentaires

Partenaires