Laisse-moi entrer
Let me In
États-Unis, 2010
De Matt Reeves
Avec : Richard Jenkins, Chloe Moretz, Kodi Smit-McPhee
Durée : 1h52
Sortie : 06/10/2010
Un adolescent fragile et marginal fait la rencontre d'une jeune et étrange fille avec qui il se lie d'amitié. Mais bientôt celui-ci va découvrir le secret de son amie.
DENT POUR DENT
L'annonce d'un remake de Morse rendait à la fois curieux et méfiant. Le film de Tomas Alfredson, éloigné au possible des canons hollywoodiens, laissait le champ libre à une véritable appropriation, mais la relecture pouvait également se prendre les pieds dans le tout-cuit standardisé. Laisse-moi entrer se situe un peu entre les deux: Matt Reeves signe un remake appliqué, gagnant en dynamisme ce qu'il perd en mystère, à la fois extrêmement proche en ce qui concerne les événements et leur déroulement, et assez lointain dans les effets produits. Tentons donc le petit jeu des comparaisons. Malgré toutes les belles qualités qu'on peut lui trouver, on pouvait reprocher à Morse son non-rythme somnambule, quasiment une raideur qui installait une distance dans ce récit pourtant puissant et pathétique. La relation entre Abby et son protecteur, chez Reeves, prend une dimension tragique qui, dans l'original, ne marchait peut-être pas aussi bien. Globalement, le tempo lent mais plus soutenu de la version américaine permet une immersion qui trouvait parfois ses limites chez Alfredson. Une empathie plus forte, et la présence du jeune Kodi Smit-McPhee, découvert dans La Route, n'y est pas étrangère. Là où le héros de Morse était un parpaing coiffé d'une perruque blonde, Smit-McPhee apporte à son personnage une fragilité famélique et une étrangeté hypersensible qui enrichissent l'intrigue.
Tout le contraire du miscast Chloe Moretz, qui campe une vampirette mimi à petites pommettes joyeuses, laissant de côté la sombre bizarrerie magnétique de l'interprète originale. Et voilà probablement la limite de ce Laisse-moi entrer, un peu frileux sur les terres du bizarre, et qui abandonne, comme on pouvait se douter, tous les questionnements sur le genre présents dans Morse, se prive (on serait tenté de dire "évidemment") du plan de castration (déjà quasi subliminal dans Morse mais pourtant essentiel), quand Abby dit qu'elle n'est pas une fille, ça signifie qu'elle est un vampire et c'est tout. Sans être pachydermique, Laisse-moi entrer explique tout un peu plus, tartine une bande originale qui confirme la phobie américaine du silence et là où on attendait la patte de Reeves sur la dantesque scène de la piscine, sa mise en scène déçoit un peu. L'aspect surenchère a ses bons moments (l'accident de voiture vu de la plage arrière, certes accessoire mais qui rappelle les qualités de maître du chaos de Reeves, cf Cloverfield) et ses moins bons (lorsque la patiente brûle à l'hôpital, une infirmière brûle avec, on suppose que ça doit être mieux comme ça). Entre améliorations et affadissements, balle au centre. Comme on pouvait peut-être le prévoir depuis le début, le résultat, très solide en l'état, paraîtra plus brillant aux yeux de ceux qui n'auront pas vu l'original.